Rodolphe Lauretta, Raw
Rodolphe Lauretta, Raw
Le jazz et ses codes. Rebutants pour le premier grouillot venu ! Et non, il ne suffit pas de dodeliner de la tête au rythme de la contrebasse pour savoir apprécier le jazz. Encore moins pour « être » jazz ! Certains se forceront, avec l’âge, à accepter l’inexplicable (mais pas tout quand même), à finalement apprécier l’écoute d’un disque de Pat Metheny ou de Jeff Beck de temps en temps. Mwouais… Mais heureusement, les formules vieilles de cent ans évoluent. Les fusions et les mariages improbables se multiplient ! Le jazz n’est donc pas figé dans la glaise. Ni une matière morte ! Mieux que quiconque, Christian Scott aTunde Adjuah et sa « stretch music » l’ont démontré, à l’occasion de la récente trilogie « The Centennial Trilogy » consacrée au centenaire du jazz. Mais Rodolphe Lauretta me direz-vous ? J’y viens… Et je me suis fait cette réflexion : si je devais tenter (et je dis bien « tenter ») d’accrocher l’intérêt d’un mélomane qui prétend être hermétique à toute écoute de musique jazz (et j’en connais beaucoup), j’utiliserais sans doute mon joker Rodolphe Lauretta pour le convaincre de son tort. Attention, ne nous méprenons pas : « Raw » est un album de jazz. Cela ne fait aucun doute ! Je dirais même que son écoute est rendue d’autant plus compliquée que ce trio joue sans instrument harmonique (oups, j’égare déjà les novices… cela veut dire sans piano, sans guitare). Soit une formule saxophone alto, batterie et contrebasse. Je mettrais donc le disque sur la platine (en vinyle, c’est encore plus impressionnant) et en augmentant progressivement le son, je gaverais mon auditeur de titres comme Get Started, Vert Sang, Rêverie ou Clave (ce dernier morceau avec la participation du trompettiste Olivier Laisney pour un dialogue quasi orientalisant). Le groove est implacable ! La rondeur des instruments impressionne. On ressent chez ces musiciens une liberté d’expression naturelle et épanouissante. Les vieux briscards qui hantent les clubs de jazz depuis plus de quarante ans vous diront sans doute que cela est dû au son brut (« Raw ») de l’alto ou à je ne sais quel jeu « coltrainien » du leader. Balivernes ! L’enthousiasme que dégage ce premier disque (signé sur le label indépendant Onze Heures Onze – j’inviterais mon auditeur à défricher cette piste prometteuse pour lui), Rodolphe Lauretta le doit à son ouverture d’esprit, et à lui seul ! Enfin, je finirais mon harponnage en faisant écouter à mon nouvel ami incrédule, la version « Remix » de la plage d’ouverture avec, en invitée de choix, la voix profonde du rappeur américain Theorhetoric. Puis je lui offrirais un disque (vinyle toujours…) de TaxiWars (le projet qui regroupe entres autres Tom Barman, Antoine Pierre et Robin Verheyen). Et la boucle serait bouclée… (enfin, dans ce Monde-là en tout cas…).
Joseph « YT » Boulier