Yazz Ahmed, La Saboteuse
Yazz Ahmed, La Saboteuse
La beauté de la pochette n’aura pas échappé à votre œil attentif. Il s’agit d’une illustration signée de la main de la talentueuse Sophie Bass, qui semble nous renvoyer aux albums que Sun Ra, Herbie Hancock ou Miles publiaient dans les seventies. En vérité, le sujet est plus grave, puisque ces dessins rendent hommage aux candidats réfugiés qui ont perdu la vie en tentant de traverser la Méditerranée pour atteindre un monde meilleur. Yazz Ahmed s’en inspirera elle-même pour composer « Al Emadi », une longue fresque dramatique qu’elle dédie aux naufragés de l’espoir. Mais pas que… On peut aussi lire en filigrane un message de paix et d’échanges auquel la trompettiste londonienne (d’origine bahreïnienne) adhère pleinement. Si nous nous permettons de nous attarder un peu plus longuement que d’habitude sur l’artwork de cet album, c’est parce qu’il relate particulièrement bien l’état d’esprit qui anime cette « Saboteuse ». Le livret qui accompagne le disque tire le portrait de chaque musicien, mais aussi celui des ingénieurs son, du producteur et de l’illustratrice. Quant à la musique, elle s’élève au même niveau ! Précisons tout de même que pour son deuxième album, Yazz Ahmed a su s’entourer du gratin de la scène londonienne. Citons entre autres l’inévitable Shabaka Hutchings (à la clarinette basse, cette fois), le vibraphoniste Lewis Wright ou encore la claviériste Naadia Sheriff. Les treize titres qui garnissent la « Saboteuse » oscillent entre le jazz et le psychédélisme, avec une forte résonance orientale. La maîtrise des éléments traditionnels ou électroniques est tout simplement bluffante, comme sur ce Bloom aérien qui transporte l’auditeur en terrains à conquérir. Yazz Ahmed prétendait il y a peu vouloir postuler pour une place de choix au sein du nouveau jazz. Il ne s’agit nullement de prétention : cet objectif nous permet d’affirmer que l’on tient ici une future grande !
Joseph « YT » Boulier