Pépites#13, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Movézom, Revisiting The Trane
Définitivement, le jazz se nourrit de tous les métissages. Et Movézom – aka le batteur français François Malandrin – a mieux assimilé cet axiome que quiconque. Lui, qui nous propose, en trois petits quarts d’heure de plaisir intense, une synthèse qui s’offre des libertés entre tradition (qui d’autre que « le Trane ») et le hip-hop moderne (le qualificatif qui saute aux oreilles à la lecture de ce disque-ci). Les arrangements parfaitement maîtrisés reposent sur une connexion quadricéphale rarement entendue. Outre les beats et l’electro en suspension ciselés par le maître d’ouvrage, on recueille ici les interventions sporadiques de saxophonistes épris d’audace (de l’indomptable Thomas de Pourquery à l’inventive Alexandra Grimal), les nappes voilées d’un quatuor à cordes qui prend de la hauteur et le flow d’une poignée de rappeurs triés sur le volet (parmi lesquels on reconnaît le légendaire membre fondateur des Last Poets, Abiodun Oyewole). Coup de cœur « around » de cette fin d’été torride, « Revisiting… » sonne bien mieux qu’une relecture, mais plutôt comme un hommage éclairé que John Coltrane aurait sans doute lui-même validé.
Ella/Foy, Walking In The Space
Elle, c’est Ella… Ou plutôt Hélène Fayolle. La pétulance d’une jeunesse audacieuse, un velouté de notes froissées sur une guitare et un magnifique voile de soie posé sur les cordes vocales. Romain Deruette (lui), c’est Foy le couteau suisse, capable de trouver une solution à chaque écueil qui se présenterait à vous. Elle + lui nous donne donc le duo Ella/Foy, auquel il convient d’ajouter un harmonica assidu (Bruno Tredjeu) et l’une ou l’autre incartade discrète (un clavier ici, une percussion là-bas). Et Ella/Foy, c’est un premier album « Walking in the Space » rempli d’instants sensibles et de chansons (car finalement il n’existe aucun autre mot pour décrire cette musique) douces, parfois amères, qui voguent sur les vagues de l’évidence. Et s’il ne peut être question de cantonner ces mini-symphonies gracieuses à un genre précis (folk ? Jazz ? Blues?!), alors nous nous contenterons de les fredonner et de les apprécier à leur juste valeur…
Elina Duni, Partir
Intimiste. C’est le premier mot qui nous vient à l’esprit. L’impression que cette voix fragile ne s’adresse qu’à nous, et à nous seul. Il ne sera guère question de plus. Pour assembler les pièces de ce puzzle cosmopolite interprété en neuf langues (!), la chanteuse suisse (d’origine albanaise) interprète son œuvre en solo, s’accompagnant d’une guitare, d’un tambourin, d’un piano… ou du simple écho de ses complaintes. Pour le contenu, Elina Duni emprunte essentiellement quelques airs au folklore des Balkans et au répertoire traditionnel yiddish. Une chanson de Brel, aussi… « Je ne sais pas ». Merci de nous avoir épargné la trois-cent-quatre-vingt-deuxième adaptation de « Ne me quitte pas » ! « Partir » enveloppe ses épures limpides autour d’un thème récurrent : le départ, sous la forme de la rupture amoureuse ou de l’exil. En cela, l’exil et la rupture suscitent des émotions contradictoires : l’espoir de vivre un futur meilleur et la perte de ce qui a construit notre passé… Son passé.
Yves « Joseph Boulier » T.