Pépites #22, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Karl Jannuska,
On the Brighter Side
Karl Jannuska est un batteur canadien installé de longue date en France où il enseigne. Un homme, qui l’air de rien, a tout de même joué les sidemen pour des musiciens aussi notoires que Lee Konitz, Paolo Fresu, Toine Thys, David Linx et autres Brad Mehldau. Pas un « premier venu » donc ! On le retrouve ici pour un sixième album en qualité de leader absolu (compositions, textes), mais aussi en belle compagnie. Outre Cynthia Abraham (on y reviendra), le batteur peut compter sur l’appui de guitares, cuivres et claviers, dont celui, omniprésent, de Tony Paeleman. Les collaborations avec voix féminines, Karl Jannuska connaît. Par le passé, il a enregistré quatre disques avec sa compatriote Sienna Dahlen. Ici, il a invité la voix chaleureuse de Cynthia Abraham, qui s’intègre parfaitement dans cet univers feutré « indie jazz », comme le batteur aime à le décrire. Et si l’on ne sait plus trop s’il s’agit d’une pop éclairée ou d’un jazz lumineux, on est certain par contre que ce « On the Brighter Side » léger et sophistiqué fait du bien au conduit auditif par où il passe.
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Get the Blessing,
Bristopia
Assurer la section rythmique pour un groupe aussi essentiel que Portishead, ça vous construit forcément une belle réputation. Pas volée d’ailleurs ! Nous avons pu nous en rendre compte lors de la dernière édition du Mithra Jazz festival. En sept albums (en comptant celui-ci), élaborés durant les (longues) plages de repos que s’accordent Beth Gibbons et Geoff Barrow, le quartet a largement participé au renouveau du jazz britannique, dont les groupes inondent les colonnes de Jazz Around. Soignant à nouveau ses mélodies et le look (costards noirs posés sur des chemises blanches), Get the Blessing défend, avec ce « Bristopia », un jazz rock toujours plus stylisé. Le groupe joue clairement sur la tranche de l’art, une musique puissante, concise, et… surtout, audacieuse. Un vrai régal !
Eléphant Tôk Project,
Sitting With Bull
Nous nous sommes montrés enthousiastes lors de la présentation de « Tôk 1 » dans les colonnes de Jazz Around, il y a tout juste deux ans. Pour ce deuxième effort longue durée, le line up a quelque peu changé : d’un septet + 1, le « projet » s’est mué en un quartet + 1. Exit les cuivres, ce qui n’enlève rien à la densité du propos. Exit aussi le rappeur Sébastien Morin – alias Onan – au profit des performances vocales de Sébastien Rocquefelte qui nous rappelle, sous certains aspects, le chanteur Damo Suzuki, qui a accompagné le groupe Can lors de ses meilleures années. Avec ces changements de personnel, Eléphant Tôk se soustrait à la musique urbaine pour mieux nous plonger dans les atmosphères seventies qui sentent bon le patchouli. « Sitting With Bull » est scindé en trois volets qui servent équitablement le rock à grosses louches de jazz (à moins qu’il ne s’agisse de l’inverse). Le groupe joue les équilibristes sur un fil imaginaire tendu entre deux pôles, entre le King Crimson de Robert Fripp et le Magma de Christian Vander. Une musique en quête de libertés pour des auditeurs en quête de bonheur.
Joseph « YT » Boulier