Perelman-Maneri-Wooley, Strings 3
Ivo Perelman – Mat Maneri – Nate Wooley,
Strings 3
Troisième opus de la série Strings réunissant Ivo Perelman (sax ténor) et Mat Maneri (violon alto) avec des invités, principalement des instrumentistes à cordes (violoncelle, violon, Jason Kao Hwang, Hank Roberts). Je me serais attendu que le n° 3 de la série nous fasse entendre d’autres instrumentistes à cordes pour justifier le pluriel de Strings. Mais je ne me plaindrais pas du choix de Nate Wooley, trompettiste improvisateur fort concerné par la libre improvisation spontanée sans garde-fou et composition ni thème. Le lien conducteur de la pratique du trio réside dans l’exploration de la microtonalité. Soit un usage permanent et subtil des glissandi millimétrés et de l’extension/contraction des intervalles tempérés, inhérent au jazz (qu’il soit mainstream, bop ou free) poussé à l’extrême ici pour ma plus grande joie. Comment des jazzmen (free) assument pleinement la radicalité de l’improvisation libre (des Derek Bailey, Evan Parker, Paul Lovens, Rutherford et Gunter Christmann) en maintenant le lyrisme soulful du jazz. Étirement extatique de l’élément mélodique et emphase magistrale des sonorités expressives du free – jazz expressionniste dans un contexte de musique de chambre raffinée, presque précieuse, à l’écart de toute virtuosité et avec un sens supérieur de la dynamique sonore. Les trois improvisateurs enlacent mutuellement leurs improvisations en trilogue. Leurs volutes s’interpénètrent avec le meilleur effet créant et renouvelant des échanges en clair-obscur à la fois tendres, charnels, elliptiques, passionnés… On songe à une poursuite de l’œuvre improvisée de Joe Maneri, le père de Mat. Ivo Perelman publie tant d’albums qu’il devient impossible de suivre, surtout si on est déjà passionné par ses meilleurs collègues. Dans cette masse de documents où, il faut le dire il y a peu de déchets et quelques redondances, Strings 3 apporte du neuf par rapport aux chefs d’œuvres précédents comme “Two Men Walking” (Perelman / Maneri) et “Philosopher’s Stone” (Perelman – Shipp – Wooley) ou “Counterpoints” (Perelman – Maneri – Morris). Magnifique.
Jean-Michel Van Schouwburg