Bitten By The Blues
Bitten By The Blues :
The Alligator Records Story
Bruce Iglauer & Patrick A. Roberts
The University of Chicago Press, 2018, ISBN-13:978-0-226-12990-7
(337 pages, index, illust. , The Alligator records catalog)
Quand on pense Alligator Records et/ou Bruce Iglauer, on pense ‘success story’ avec plus de 300 albums au catalogue, et c’est loin d’être fini ! Et comme Iglauer commente les sorties de ses albums avec tenants et aboutissants dans divers magazines – une pratique qui est toujours en cours ( Living blues, Back To The Roots, etc…) – depuis de nombreuses années, sans oublier les articles/interviews parus un peu partout (dans ABS Magazine entr’autres (1), on croit à peu près tout connaître de la saga Alligator. Mais, c’est une illusion, comme le démontre ce livre passionnant, bourré de détails inédits sur les séances d’enregistrements, sur les coulisses des studios, des concerts et des tournées, mais aussi sur les rivalités entre musiciens, sur la jungle où se battent les compagnies indépendantes entre elles et avec les majors, sur le stress au quotidien, etc. Couvrant près de 50 ans de l’histoire du blues, c’est un bouquin qui se lit comme un thriller, un ‘page turner’ qui, dès qu’on a lu les premières pages ne se lâche plus jusqu’à la dernière. On est littéralement scotché par ce style d’écriture vivant, accrocheur (influence non négligeable sans doute de P. Roberts) qui alterne suspense, humour, cris du cœur et autodérision : Iglauer connait ses défauts, son perfectionnisme, ses a-prioris et parti-pris, son autoritanisme, son intransigence parfois compulsive et sa difficulté à reconnaitre ses erreurs de jugement ! Mais ici, il déballe tout, et fait son mea culpa, souhaitant parfois avoir pris d’autres décision. On découvre aussi les débuts d’un étudiant de la Lawrence University (Appleton, Wisconsin) qui, lors de son dernier semestre, se mêle d’organiser des concerts de blues (Howling Wolf puis Luther Allison, tous deux fin 1969) puis les hauts et les bas de son ‘stage ‘ chez Bob Koester et Delmark Records (un B.Koester qui l’a traité à la dure mais qui reste son mentor respecté voire idolâtré). Il y a aussi ses virées dans les bars blues du Southside et du Westside de Chicago, ainsi que l’aventure du magazine Living Blues avec Jim O’Neal et consorts, sa découverte de Hound Dog Taylor et sa décision de produire son premier album, ensuite les autres avec d’autres bluesmen sous-enregistrés, les risques de couler sa jeune et fragile compagnie en cas de mauvais choix d’artistes, les soucis avec les usines de pressage, les distributeurs, studios et ingénieurs du son, la promotion (radios, mags), etc. En effet, les pièges étaient nombreux et Iglauer les a tous habilement (et chanceusement) contournés, non sans mal, au prix d’un travail de titan, de milliers de kilomètres parcourus dans toute l’Amérique, et surtout grâce au choix de partenaires européens (Sonet Records…). De page en page on suit ainsi l’arrivée de Son Seals et le drame de la tournée en Suède(1978) où tous les musiciens et Iglauer lui-même n’échappent que de peu à la mort dans un accident de train (presqu’englouti dans un fjord après déraillement !) Carey Bell et Walter Horton…. le coup de poker – réussi – de la série Living Chicago Blues, Luther Allison, Fenton Robinson, Albert Collins, Shemekia Copeland, J.J.Grey & Mofro, Tommy Castro et tant et tant d’autres, jusqu’aux surdoués qui sont les garants d’un futur très prometteur pour Alligator Records et pour la survie du blues, comme Toronzo Cannon, Jarekus Singleton, Selwyn Birchwood, Lindsay Beaver et d’autres encore à découvrir dans un futur proche. Faites-vous plaisir, offrez-vous ce livre ou faites le vous offrir. On peut même commander des exemplaires autographiés via www.alligator.com .
Robert Sacre
(1) ABS Magazine n° 51 Septembre 2016