Drašler-Jackson-Thompson, Nauportus
Vid Drašler-Tom Jackson-Daniel Thompson,
Nauportus
Trois voix clairement distinctes, complémentaires, à l’écoute, en dialogue, construisant une musique libre basée sur des vibrations rythmiques, des flux, un travail sonore spécifique et l’utilisation de leurs background musical individuel : Vid Drašler, percussionniste au jeu clair, précis, franc, adepte de la frappe sèche et des roulements bienvenus. Tom Jackson, clarinettiste rompu au travail contemporain et aux musiques de jazz. Daniel Thompson inconditionnel de la guitare acoustique et de ses techniques alternatives, harmoniques et pointillisme en tête. Tom et Daniel ont une grande familiarité : ils jouent ensemble fréquemment en compagnie de l’altiste Benedict Taylor (Hunt at The Brook) ou du trompettiste Roland Ramanan (Zubeneschamali). En quelques années, Tom est devenu l’autre grand clarinettiste incontournable de la scène Londonienne avec le merveilleux Alex Ward. Daniel, un pupille de John Russell, ne compte plus les collaborations : outre Taylor et Jackson, Simon Rose, Steve Noble, Andrew Lisle, Adrian Northover, Neil Metcalfe, Marcello Magliocchi… Mais pour faire une musique sérieusement avec un nouveau comparse, le batteur slovène Vid Drašler, il faut reconsidérer tout le concept de jeu collectif, repartir à zéro. Comme deux des pôles du trio peuvent se révéler en contradiction par leur volume respectif : une guitare acoustique non amplifiée avec moultes attaques d’harmoniques et de cordes stoppées/en sourdine versus un attirail de percussion par essence plus bruyant, Tom Jackson suit une démarche de jeu Giuffrienne remarquable, il oblige ainsi la sensibilité de Vid à jouer en douceur variant les effets métalliques de la pointe de baguettes lègères, maillochant discrètement la surface de ses tambours. Le jeu arachnéen et percussif du guitariste sert alors d’aiguillon rythmique. Pour cela il décale subtilement des séquences répétées de coups de griffe et ponctue des ostinatos minimalistes pour inciter les deux autres à des dialoques tangentiels. J’ai entendu John Russell dans différentes circonstances et tout le mérite de Daniel Thompson est d’en apporter une vision complémentaire, voisine certes, mais on distingue clairement ses intentions et sa personnalité originale. La percussionniste révèle toute sa maîtrise des rythmespulsations croisées, multiples et imbriquées/tuilées dans un véritable continuum, c’est sur ces vagues et ondulations rythmiques changeantes qu’oscillent les pépiements/sursauts de l’anche du clarinettiste, lequel ne se départit pas de son jeu lunaire et énigmatique basé sur des harmonies étirées et un timbre propre à l’introspection dont il a le secret, maintenu durant toute la performance (Nauportus I-V), créant ainsi une composition instantanée à lui seul. Je l’ai entendu de nombreuses fois puissant, mordant, virevoltant, bruissant, jazzy, contemporain. Ici son jeu est étrangement ouaté, brumeux. À écouter et musiciens à suivre.
Jean-Michel Van Schouwburg
Une captation du trio en 2016
CRAM Records Ljubljana Residency : Daniel Thompson / Jošt Drašler / Vid Drašler
CRAM Records Ljubljana Residency: Daniel Thompson / Jošt Drašler / Vid Drašler from FriForma on Vimeo.