Tropical Jazz Trio
Patrice Caratini – Alain Jean-Marie – Roger Raspail
Tropical Jazz Trio
Un retour aux sources.
Le Tropical Jazz Trio réunit trois vieux briscards de la scène française. Le contrebassiste Patrice Caratini explique:
J’ai rencontré Alain Jean-Marie dans les années soixante-dix sur la rive gauche de la Seine, dans la section rythmique du saxophoniste Michel Roques aux Trois Mailletz, et quelques années plus tard, sur l’autre rive, j’ai rejoint Roger Raspail au Dreher, place du Chatelet, pour y accompagner Mal Waldron, associé au trompettiste Roy Burrows. A cette époque, les occasions de jouer ne manquaient pas pour les musiciens du rythme. Un tempo viable, une oreille à l’affût et les propositions affluaient. Les clubs programmaient les orchestres plusieurs semaines de suite et, de gigs parisiens en concerts en province, nous côtoyions la grande histoire du jazz dans les caves du Petit Opportun, une semaine en compagnie de Charlie Rouse à jouer la musique de Monk, une autre avec le Little Giant Johnny Griffin, ou au Chat qui Pêche, avec le tromboniste Slide Hamption. A un autre moment, nous partions retrouver Lee Konitz en Lorraine. Durant les quatre décennies qui suivirent, nos pérégrinations musicales nous emmenèrent sur bien des chemins qui souvent se croisaient pour mieux bifurquer vers d’autres horizons. D’autres moments voyaient naître d’improbables aventures comme les concerts réunissant Biguine Reflections et le Caratini Jazz Esemble sur le même plateau. Depuis quelques années, nous avions pris le pli de nous produire en petite formation ici ou là, piano, contrebasse et percussions suivant l’empreinte africaine des musiques que nous aimions. Nous passions d’une scène à l’autre avec l’insouciance de nos débuts, pour le plaisir simple de la musique, jusqu’à ce que la rencontre avec le jeune label French Paradox nous amène dans un studio pour enregistrer un album.
Fidèle compagnon de route de Stéphane Grappelli, avec le guitariste Marc Fosset, Patrice Caratini dirige, depuis 1997, un Jazz Ensemble qui réunit un vrai aéropage: entre autres, Pierre Drevet (trompettiste du BJO), Denis Leloup (tb), Matthieu Donarier (ts), François Thuillier (tuba), Manuel Rocheman (p) ou David Chevallier (g). Parmi ses enregistrements, deux reflètent bien son amour des rythmes afro-cubains: Latinidad enregistré avec trois percussionnistes cubains et Chofé biguine la, créé en 2001, à la Martinique et en Guadeloupe, et enregistré avec Alain Jean-Marie ainsi que Roger Raspail. De son côté, s’il a côtoyé Chet, Johnny Griffin, Lee Konitz ou Barney Wilen, Alain Jean-Marie n’a jamais oublié ses origines guadeloupéennes: Je suis né à la Guadeloupe. J’ai commencé ma carrière en jouant dans des bals populaires antillais, avec des musiciens comme Robert Magounzy: on jouait des calypsos, des biguines. Avec Latin Alley, j’ai voulu rendre hommage à ma terre natale et, en fait, il y a toujours un parfum antillais dans les thèmes que je compose. Les Antillais sont le point de rencontre entre l’Amérique, L’Afrique et l’Europe. A côté des îles de langue française comme la Martinique ou la Guadeloupe, il y a des îles anglaises et espagnoles comme Puerto Rico ou Cuba: toutes les cultures se croisent.
Né à Point à Pitre en 1945, Alain Jean-Marie a ainsi enregistré Piano Biguine puis Biguine Reflections et Latin Alley, en duo avec Niels Henning Orsted Pedersen: Niels est un musicien d’une grande sensibilité et d’une rare musicalité: il improvise sur la contrebasse comme sur un instrument chantant. Avec Niels, la communication s’est faite immédiatement. Avec le percussionniste Robert Raspail qui a côtoyé Mal Waldron comme Cesaria Evora, Alain Jean-Marie a enregistré Fanny’s dream. Guadeloupéen comme le pianiste, Robert Raspail reste fidèle au gwo-ka, genre musical d’héritage africain, et au gros tambour ka, typique de son île : Je reste, quoiqu’il advienne, fidèle au gwo-ka: cela est définitivement ancré dans mes racines, mes gènes et mon sang. Je ne peux m’empêcher de penser, de rêver, ou encore de séduire avec le gwo-ka. Ce tambour, cette musique m’ont tout donné.
Au répertoire du Tropical Jazz Trio, d’abord trois compositions de Patrice Caratini (Marcelina, Tropical Mood et Sambaraca), une de Roger Raspail (Pytang pytang bang) et deux d’Alain Jean-Marie: Morena’s dream dédié à la chanteuse Morena Fattorini, avec qui il se produit en duo, et Latin Alley qu’il a enregistré avec NHOP. Ensuite de grands classiques: Manteca, thème fétiche de la période latin jazz de Dizzy Gillespie, African Flower que Duke Ellington a enregistré sur l’album Money Jungle, avec Charles Mingus et Max Roach et deux compositions d’Horace Silver (il ne faut pas oublier que son père était natif du Cap Vert, autre terre de métissage culturel): The Cape Verdean Blues et Señor Blues. Complètent ce répertoire Meu canario vizinho azul du Brésilien Toninho Horta, Limelight de Chaplin, Couleur café de Gainsbourg et une version inattendue du Temps des cerises: “Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au cœur”.
Un retour chatoyant au latin jazz, groovy et coloré, avec ses rythmes chaloupés (Manteca, Latin Alley, Señor Blues, The Cape Verdean blues) et ses mélodies empreintes de nostalgie (African Flower, Marcelina, Meu canario vizinho azul).
Caude Loxhay