Pépites #56, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
EABS,
Slavic Spirits
Après avoir enregistré un triptyque consacré au compositeur/pianiste légendaire Krysztof Komeda (un précurseur du jazz moderne), l’ensemble EABS (pour Electro Acoustic Beat Sessions) s’intéresse cette fois à la mythologie slave, et plus particulièrement aux périodes les plus sombres que leurs compatriotes polonais ont vécues. Un livre épais et richement documenté sur le sujet accompagne d’ailleurs le cédé et le vinyle en éditions limitées. Si musicalement, cet état d’esprit ne transpire pas particulièrement à l’écoute, la volonté du gang de Wroclaw n’en demeure pas moins intacte. Pas de fausse nostalgie ou le mélancolie feinte ici : on parlera plutôt d’un « jazz de gala » qui supporte de longues envolées où les cuivres jouent un rôle primordial. Fondé par des musiciens locaux de renom, EABS évolue en une sorte de big band qui se situerait au croisement d’une route empruntée par le Weather Report et l’Attica Blues Orchestra d’Archie Shepp. Notons enfin la présence du flûtiste DJ Tenderlonious, un pilier de la nouvelle scène londonienne qui clôturera la deuxième journée du festival « 4Th Stream Day 2 – All About Quirky Jazz » au Bozar de Bruxelles (du 5 au 7 décembre).
Trentemoller,
Obverse
Changement radical d’horizons, plus qu’un virage à 90° avec Anders Trentemoller ! Notez néanmoins que depuis une douzaine d’années, le DJ/multi-instrumentiste danois a brisé quelques amours du passé qu’il entretenait avec la house music. Il s’oriente à présent vers une musique aux accents pop nettement plus sophistiquée, même si les machines sont toujours bien présentes. Ce nouvel album « Obverse » (joli titre entre parenthèses…) s’engage dès le début sur un Cold Comfort qui semble appartenir au répertoire des Cocteau Twins (Rachel Goswell de Slowdive aux vocals, sublimement aérienne). Les amateurs – ils sont nombreux ! – de la période arty 4AD vont être gâtés… Quelque chose de beau et étrange comme du This Mortal Coil… Les plages techno-ambiant et atmosphériques se succèdent tandis que les chanteuses, plus sensibles et sensuelles les unes que les autres, s’interchangent. Jennylee des Warpaint, la chanteuse danoise Lisbet Fritze (Blue September est devenue une chanson qui ne quitte plus ma platine) ou encore Lina Tullgren « font le job »… Magnifique et raffiné !
The Irrational Library,
Everything At All Times
And All Things At Once
L’Irrational Library, c’est d’abord une philosophie de vie qui préconise les échanges. C’est un magasin de seconde main pour curieux et amateurs de belles découvertes, perché dans la Doelstraat de Haarlem. Là-bas, on vous vend une culture décalée tandis que vous pouvez vous y faire tailler la coiffe dans le salon le plus kitsch de la planète ! Au milieu de ce joyeux bordel, il y a un espace assez grand pour y poser ses fesses et écouter la musique d’un troubadour de passage ou d’un invité surprise, venus improviser un concert inoubliable… Puis, on l’oublierait presque, l’Irrational Library est un groupe, un quartet même, emmené par le chanteur Joshua Baumgarten sur des chemins tout aussi encombrés que cette boutique de rêve, et où le rock, le jazz, mais surtout le groove croisent le fer avec l’énergie de la musique punk. Façon TaxiWars si vous voulez… Même le carton de la pochette a l’odeur du vieux livre et goûte la madeleine de Proust. Sûr, il est moins une, mais pas encore trop tard pour faire marche arrière et retrouver des valeurs d’autrefois… Rien que pour le concept, la beauté du geste et le message reçu 5/5, nous déclarons « Irrational Library » découverte à faire cette année !
Joseph « YT » Boulier