Pépites #59, HomeRecords

Pépites #59, HomeRecords

HomeRecords

C’est une maison bleue…

Jérôme Collignon - Michel Van Achter - Jemima Santos - eRno Le Mentolé (c) France PAQUAY

 

La maison aux vastes portes bleues est juchée sur les hauteurs de Liège, à quelques pas de l’hôpital militaire de Saint-Laurent. Toute en sourires, Elisa (l’attachée presse/promotion) nous fait entrer. Bienvenue alla casa… Elle nous fera visiter le site labyrinthique tandis que Michel Van Achter, fondateur du label HomeRecords nous en expliquera le fonctionnement. Je suis à peine arrivé qu’il m’entraîne dans un petit sas intermédiaire où il est occupé à mixer le prochain album du duo (augmenté) des cousins Ballake & Baba Sissoko. La musique scintille… Un blues africain d’une pureté impressionnante qui semble se jouer à quelques pas de vous. Déjà, on est impatient d’en découvrir le résultat !

Nous avons rendez-vous avec le compositeur et contrebassiste André Klénès, qui enregistre, dans le studio annexe, un album en duo (Adrien Brogna à la guitare) pour le compte de son projet latino-jazz “Luz Da Lua”. Mais rien ne presse… Avec Michel, nous nous attablons pour entamer une discussion où seront pêle-mêle abordés les sujets qui réjouissent (l’amour du métier) et qui fâchent (l’avenir du métier…). D’emblée, il prévient : « la situation se dégrade financièrement… Comme tu le sais, on vend de moins en moins de disques… Il faut trouver d’autres sources de revenus. Celui qui pense que les plateformes musicales comme Deezer, Spotify ou Apple Music sont des solutions d’avenir se trompent… Cela ne rapporte quasiment rien ! ».

HomeRecords survit grâce aux subsides qui eux-mêmes risquent de devenir insuffisants. Michel ajoute : « nous craignons de devoir subir les conséquences de la réforme du système APE (aide à la promotion de l’emploi NDLR)… Nous risquons de devoir licencier, la mort dans l’âme ! HomeRecords est une très petite structure dans laquelle chacun joue un rôle essentiel, avec un professionnalisme irréprochable ». Quelques pistes sont suggérées, comme la promotion booking des artistes produits (mais il faudrait engager du personnel, ce qui demeure impossible). « Les médias ne nous aident pas beaucoup non plus… Par exemple, la Première (une des chaînes publiques importantes en Fédération Wallonie–Bruxelles NDLR) ne diffuse pratiquement jamais nos disques, sous prétexte qu’ils n’entrent pas dans les canevas de programmations ! Si même eux ne le font pas, que restera-t-il ? Le fait que pas mal de magazines mettent à leur tour la clé sous le paillasson n’arrange évidemment rien… ».

Toutefois, au sein de l’équipe HomeRecords, on refuse de céder au défaitisme ambiant. Le job, c’est leur passion, et ça se ressent dans la qualité du travail accompli et dans le choix des productions. « Nous avons pour devise « artistes singuliers, musique singulière ». Bien sûr que nous sommes fort sollicités… Quand nous faisons un choix, c’est après mûre réflexion : suis-je prêt à consacrer une partie de mon existence pour mener à bien ce projet ? Nous en avons produits plus de deux-cents ! En principe, nos choix se portent plus spécialement sur les musiques acoustiques : musiques du monde, jazz, chanson ». Parfois avec de petites entorses… Il y a peu, HomeRecords a produit le cédé du rappeur catalan Valtònyc, pour lequel eRno le Mentholé (autre cheville ouvrière du label) s’est fortement impliqué.

Michel Van Acheter (c) France PAQUAY

A terme, le label HomeRecords se concentrera sur un nouveau modèle de production : le Fair Trade Service. « Le service Fair Trade s’adresse aux artistes issus de la Fédération Wallonie – Bruxelles. Nous leur proposons de prendre en charge de A à Z le projet qu’ils proposent, en évitant les intermédiaires qui se servent au passage. Nous sommes équipés et suffisamment qualifiés pour assumer l’enregistrement, le mixage, le graphisme des pochettes, la réalisation de clips vidéos, le mastering, la distribution et la promotion ! Les artistes doivent juste se concentrer sur leur musique, dont ils restent les ayants-droit ».

A charge pour les amateurs de belles découvertes d’ouvrir un peu leur portefeuille… En ligne, ils peuvent même choisir le prix qu’ils acceptent de payer pour acquérir les albums. Attention les amis ! Si nous laissons des structures comme HomeRecords disparaître, il ne nous restera bientôt plus à entendre que l’héritage de Michael Jackson ou la dernière compilation de Madonna. Et toutes les larmes de notre corps pour pleurer… Lorsque à l’occasion, vous chargerez la clé USB pour votre voiture ou lorsque vous chercherez un petit cadeau pour vos amis dans les rayons de votre disquaire, pensez-y. Avant qu’il ne soit trop tard… Et pour quelques cédés de plus… La période des fêtes (et des cadeaux) approchant à grands pas, voici quelques nouveautés « pépites » HomeRecords qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille (et un intérêt) très attentifs.

Ballake Sissoko & Baba Sissoko,

Sissoko & Sissoko

La famille Sissoko a hérité de facultés pour la culture; un don pour faire de la musique. Ce privilège remonte à une lointaine descendance Fakoli, le fondateur de l’Empire Mandingue. Entre deux projets, car les deux hommes sont extrêmement courtisés, Ballake (kora) et Baba (voix, guitare traditionnelle ngonis, percussions tama) se sont enfin retrouvés autour de compositions communes. Des compositions qui dégagent une énergie positive et qui semblent sillonner les routes rougies et escarpées de l’Afrique de l’Ouest. Sans doute sous la forme de souvenirs d’enfance qui jaillissent du temps où leurs instruments dialoguaient dans les quartiers populaires de Bamako. Avant qu’ils ne doivent l’un et l’autre poursuivre leur carrière vers d’autres voies plus dégagées. On l’imagine en tout cas, à l’écoute de ces longues improvisations fertiles, à peine importunées par la basse de Michel Hatzigeorgiou invitée sur le magnifique « Diegne Kalayara ». Le blues africain dans ce qu’il offre de plus aride et de plus beau.

Nawaris,

Bach à Bagdad

« Bach à Bagdad »… Ce titre résume plutôt bien le contenu du deuxième album publié par l’ensemble bruxellois Nawaris pour le compte de HomeRecords. Un patchwork musical né de rencontres, de rapprochements et d’exils. Il sera bien évidemment question de croisements d’instruments : l’oud, le violoncelle, le chant (jazzy ou pas), les percussions entremêlent leurs champs d’action pour ouvrir plus large encore le diaphragme. Croisements de genres et d’époques aussi, puisque Bach, en voyageant d’Ouest en Est pour atteindre Bagdad, télescope ici (parfois au sein d’une même chanson) les musiques traditionnelles qui jalonnent son périple. En toile de fond, l’espoir, omniprésent, symbolisé par le sourire de la petite fille Elléa qui illumine la pochette du disque. Un message riche de beauté. En concert au Muziekpublique (Théâtre Molière) à Bruxelles, le 25 janvier 2020.

Louise O’Sman,

Joyeuse ville

Clairement, HomeRecords ose se frotter à de nombreux genres avec, pour ligne directrice, l’utilisation massive d’instruments acoustiques. Voici Louise O’Sman, une jeune chanteuse/accordéoniste française qui a su séduire les patrons du label liégeois. Il y a des textes et de la profondeur dans les compositions, qui alternent aussi bien la musique classique que pop. Le résultat : une chanson française de tradition et de qualité, qui ressuscite Barbara et Christiane Stefanski.

Ilia,

Ilia

Enfin et toujours la chanson française avec Ilia, la chanteuse carolo que nous connaissions mieux sous le nom de Géraldine Cozier. Vous ne vous souvenez pas ? « Pour la Gloire », le télé crochet de la RTBF que toute l’Europe nous enviait ? Ca se précise ? Après avoir remporté multitude de concours, après s’être engagée dans multitude de projets (les Superluettes avec Sarah Klénès…) et après avoir suivi les cours d’improvisation auprès de Garrett List, Géraldine devient « Ilia ». Un patronyme qui claque comme un « nouveau départ », et qui devient le titre éponyme de ce nouvel album. Ilia se donne ici les moyens de nous séduire (elle chante d’ailleurs « Je suis la charmeuse de tympans… »), avec des compositions réfléchies et une production électro-acoustique aboutie. Ilia quitte les faubourgs d’une chanson démodée au profit d’une musique réformée avec raffinement, quelque part entre Emily Loizeau ou Emilie Simon et même Peter Gabriel pour sa période pop tribale des années quatre-vingts. Pour les dates de ses prochains concerts, c’est ici

 

Y. « Joseph Boulier » T