#Pépites 62, Around Jazz
Around jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Christine Ott and Torsten Böttcher,
Nanook Of The North
Depuis quelques années, au gré des disques et des concerts, l’image semble prendre un espace primordial dans l’œuvre de Christine Ott. Et en effet, la claviériste strasbourgeoise est une amoureuse du cinéma, elle ne s’en cache pas. Bien sûr, tout le monde se souvient du rôle important qu’elle a tenu avec ses ondes Martenot pour la bande originale du “Fabuleux Destin” (mais dont la musique avait été composée par Yann Tiersen). A titre plus personnel on retient d’elle la mise en son de “Tabu”, un film de Murnau (une musique également disponible chez Gizeh Records), et le spectacle ciné-concert « Lotte mon amour », où elle et la violoniste Anne-Irène Kempf, rendaient hommage aux animations de Lotte Reiniger. Enfin, il y a quelques mois, c’est en compagnie du claviériste Mathieu Gabry (avec lequel elle forme le duo Snowdrops) que Christine Ott a composé la B.O. du film « Manta Ray », que l’on doit au réalisateur thaïlandais Phuttiphong Aroonpheng et qui fut primé au Festival de Venise. Cette fois, Christine Ott s’est passionnée (oui, chez elle, la passion n’est pas un vain mot) pour un documentaire filmé en 1922 par le père du genre, le réalisateur américain Robert Flaherty. “Nanook Of The North” rend compte des conditions de survie extrêmes que subit une famille d’esquimaux dans le Grand Nord canadien… Pour sonoriser ces images, la musicienne a composé une œuvre entièrement acoustique, sans ondes. Elle a aussi fait appel à Torsten Böttcher dont les percussions (et plus particulièrement les handpans) apportent une touche de poésie aux compositions néo-classiques et sensibles que la Strasbourgeoise joue au piano. Le sujet est grave, mais les notes sont réconfortantes. Comme s’il s’agissait de prendre ce héros des temps perdus par la main, et pour lui dire : « T’en fais pas, on est là, on trouvera une solution… ». Même si l’espoir est un long fil ténu, même si ce combat était inégal…
« Nanook of the North », un ciné-concert de Christine Ott et Torsten Böttcher à voir et entendre au Cinéma Corso, à Saint-Vith, ce vendredi 20 décembre.
Jamaican Jazz Orchestra,
Rain Walk
Derrière ce patronyme racoleur se cache en fait une bande de joyeux drilles gantois articulée autour du guitariste Wouter Rosseel. A priori, ces gars-là n’ont pas pour vocation de devenir de véritables rastaquouères. Une grande majorité d’entre eux se situent d’ailleurs clairement dans la galaxie du jazz. Croiser les genres est (en principe) toujours une bonne idée. Croiser le jazz et le reggae en est même une excellente ! Même si elle n’est pas neuve… On se souvient par exemple que Monty Alexander (bon ok : il est jamaïcain, ça aide) avait déjà joué les relais avec la paire cent pour cent reggae Sly & Robbie (écoutez sans attendre l’album « Monty Meets Sly & Robbie », Telarc, 2000). Plus proche de nous, la même paire rythmique incontournable sur l’Île, se lançait dans le projet aussi ambitieux qu’abouti « Nordub » en compagnie du trompettiste norvégien Nils Petter Molvaer (un album publié chez Okeh). Contrairement à ce dernier, l’album « Rain Walk » de nos généreux trublions flamands (leur deuxième effort) s’éloigne des atmosphères planantes du dub. Ici, tout ou presque est festif et invite à la danse. Quelques touches de reggae roots, du ska et du rocksteady, le tout saupoudré de jazz (ah, ces cuivres!) et de bonne humeur… En un instant, on redécouvre le son traditionnel (analogique) des clubs jamaïcains des sixties. A reprendre sans modération, en version vinyle !
Faites la fête avec le Jamaican Jazz Orchestra : De Centrale (Gand) le 19 décembre et le Daverlo (Bruges) le 20 décembre.
The NuHussel Orchestra,
The Forest
Vous faire découvrir des perles insoupçonnables et des artistes dont vous (et nous) ne connaissiez (ons) même pas les noms. Voilà notre passion, notre motivation. Et notre frustration… En ces temps où le disque se dématérialise et où le quidam préfère augmenter le coût de son abonnement GSM plutôt que de s’acheter l’un ou l’autre album « physique » (tiens, cette expression prend d’un coup un double-sens), ces artistes/musiciens n’ont jamais été aussi nombreux ! Face à cette déferlante, vos chroniqueurs organisent des tris douloureux et opèrent des choix relativement subjectifs. Et là, bon sang, on repense aux politiques de coupes drastiques dans les budgets culturels, qui sont menées pas très loin de chez nous. Et on se jure de ne pas pénaliser davantage ceux qui nous octroient (ou tentent de le faire) quelques moments de bonheur. Comme ce collectif hambourgeois The NuHussel Orchestra, fondé par le batteur Wanja C. Hasselmann, et dont la musique combine le jazz, le rock et le funk à grandes louches… Pur plaisir, c’est cadeau de fin d’année. Promis : on consacrera à tous ces vagabonds de la note, le temps qu’ils méritent en 2020.
Joseph « YT » Boulier