Henri Texier, Chance
Henri Texier, Chance
Après plus d’une vingtaine d’albums personnels, sans compter les “Carnets de route” du trio A.Romano-L.Sclavis-H.Texier, voici “Chance” : “Chance d’avoir pu jouer avec tant de merveilleux musiciens… d’avoir toujours été suivi par un public chaleureux et fidèle, d’avoir pu mener à bien mes projets artistiques en toute liberté…” (texte de pochette). Mais aussi Chance pour l’amateur féru de jazz qui retrouve cet univers si personnel et si original, identifiable dès les premières mesures, preuve d’une authentique personnalité. De plus, avec la certitude de découvrir, à chaque fois, un grand cru. Le contrebassiste-compositeur retrouve ici l’équipe du précédent album, “Sand Woman” de 2017, dédié notamment à la reprise et l’arrangement d’anciennes compositions, comme Tout s’arrête du LP “Amir” de 1976 ou “Les là-bas de Varech” de 1977. Il y a là Sébastien, le fils, au saxophone alto et aux clarinettes, présent depuis les années ’90 et l’Azur Quintet. Et puis Manu Codjia, à la guitare, un fidèle qui a fait partie du Strada Sextet (albums “Vivre” et “Alert à l’eau” en 2006) puis du Nord-Sud Quintet,en 2010 et qui était présent lors du Concert Anniversaire du Label Bleu, à Amiens, en 2016 (occasion d’une longue interview avec Henri Texier). Enfin, Vincent Lê Quang, ténor et soprano, qui a enregistré avec Daniel Humair (“Art Modern”) et avec Aldo Romano (“Liberi sumus”) ainsi que Gautier Garrigue, à la batterie, qu’on avait découvert en compagnie du trompettiste David Enhco et de Franck Amsallem. Au répertoire, quatre compositions du contrebassiste : solo absolu de Standing Horse, Chance, Pina B., dédié à la chorégraphe allemande Pina Baush, et Simone et Robert, dédié à Simone Weil (légalisation de l’IVG) et Robert Badinter (abolition de la peine de mort), preuve de cette conviction inébranlable de musicien-citoyen en cette période de la droitisation de la société. Et puis une composition de chacun des membres du quintet : Laniakea de Gautier Garrigue, Le même fleuve de Vincent Lê Quang, Jungle Jig que Manu Codjia avait enregistré, en quintet, avec Geoffroy Tamisier et Gueorgui Tornazov et puis, cette perle, Cinecitta, hommage au cinéma italien hanté par Federico Fellini et Nino Rota, que Sébastien a enregistré, sur l’album “For Travellers Only”, en quartet avec Christophe Marguet, Manu Codjia et François Thuillier. Mais qu’on passe de Cinecitta à Chance, on reste plongé dans le même univers musical, preuve du talent de “fédérateur” ( terme choisi par Vincent Bessières) d’un leader charismatique. Une équipe parfaitement soudée, rompue à cette nonchalance élégante de l’univers de Texier, une musique qui se déploie comme une chorégraphie aux geste suspendus (Pina B.), une alternance entre mélodies langoureuses (Cinecitta, Simone et Robert, Laniakea, Le même fleuve) et tempo enflammé (Jungle Jig, Pina B., Chance) qui permet à chacun de se mettre en évidence, au travers d’une palette sonore très riche : dialogue clarinette- ténor (Cinecitta), clarinette alto-soprano (Simone et Robert ou Chance), alto et ténor (Jungle Jig, Laniakea), solo de guitare aux sonorités irisées, tantôt jazz, tantôt plus rockisantes (Jungle Jig, Laniakea, Chance), intro de batterie avec cymbales (Laniakea) ou solo enflammé (Chance) et toujours cette sonorité majestueuse de la contrebasse (Standing Horse, Simone et Robert, Pina B., Le même fleuve). Voilà une “Chance” à ne pas rater : ce sera assurément un des albums phares de 2020. Comme toujours, belle pochette, et donc bel objet, avec photos de Guy le Querrec et Sylvain Gripoix. Concert prévu au Café de la Danse, à Paris, le 21 mars. Et quand à la Maison de la Culture d’Amiens ? Là où a été enregistré l’album par Philippe Teissier Du Cros (une histoire de fidélité) au studio Gil Evans.
Claude Loxhay