Ivo Perelman – Matt Shipp, Amalgam

Ivo Perelman – Matt Shipp, Amalgam

Makhala Music

Depuis qu’Ivo Perelman a quitté Leo Records, cet album studio du duo Ivo Perelman – Matthew Shipp est leur deuxième, après le fantastique Live in Nuremberg (SMP). Douze perles concentrées, joyaux d’improvisation où le piano de l’un fait corps avec le souffle du saxophone ténor de l’autre. L’art d’amalgamer les structures pianistiques mouvantes et renouvelées de Matt Shipp avec le souffle feu-follet « Ghost » brésilien d’Ivo Perelman. Ghost pour Albert Ayler. Comme l’amalgame des métaux précieux utilisés pour modeler les deux pendentifs torsadés illustrant la pochette, dessinés dans le style des derniers tableaux d’Ivo, associant couleur vive et matière étalée en relief. Une réelle communion basée sur l’écoute mutuelle et l’imagination instantanée, fruit d’une pratique intense déjà étayée par des albums innombrables, dont 17 cédés aussi réussis les uns que les autres, publiés par le label Leo Records. Je rappelle : un quadruple compact : Efflorescence, un triple : Oneness, deux doubles : Callas et Live In Brussels et des albums simples : Corpo, the Art of the Duet, Complementary Colors, Saturn. Sans parler de leur Procedural Language qui verra le jour sous peu dans un livre – album – DVD à paraître. Chaque titre évoque successivement les floraisons, la profonde unité de leurs personnalités dans la musique, le chant et la voix, le corps et la physicalité dont leur musique se nourrit, les lieux de concert, la qualité du dialogue, les couleurs sonores qui se complètent… dans l’espace étoilé, la gravitation de leurs deux pôles et leurs multiples orientations. Ces aspects sont perçus intimement dans cette musique concise où chaque composition instantanée révèle des formes différentes et complémentaires. Harmoniques du ténor, volutes d’un souffle chaud, saudade de Bahia ou de Rio, étirement des notes, cascades eschériennes du clavier, équilibre instable entre la main gauche et la main droite du pianiste, style syncrétique évoquant autant Moussorgsky, Messiaen, Tatum, Powell, que Tristano ou Muhal Richard Abrams ou de loin, les mânes de Cecil Taylor, intégrés à ce souffle chaleureux et intense qui évoque Ayler, Shepp, Trane et aussi l’étude des Getz, Griffin, Rollins, Mobley, dont sa sonorité se fait l’écho. On voudrait définir leur démarche et on n’y parviendrait sans doute qu’en se (re)plongeant dans l’écoute attentive et répétée de cet Amalgam et surtout en tâtant parmi leurs dizaines d’improvisations parmi les meilleures de leurs albums précités. On a l’embarras du choix. Pour s’initier à leur musique en duo, Amalgam est un point d’entrée idéal, chaque pièce apportant un angle de vue et des perspectives dont on ne soupçonne pas qu’elles se prolongent, se multiplient et se différencient dans l’ensemble de leur œuvre enregistrée en duo sans que votre serviteur s’en lasse après des écoutes approfondies et répétées. Hautement recommandable.

Jean-Michel Van Schouwburg