Joachim Kühn & Mateusz Smoczynski, Speaking Sound
Si l’on devait déterminer le point commun et essentiel qui relie les deux musiciens, nous citerions sans aucun doute le nom de Zbigniew Seifert. Joachim Kühn a personnellement joué avec Seifert dans les seventies, peu de temps avant que celui-ci ne décède (à l’âge de trente-deux ans, des suites d’un cancer). Longtemps plus tard, le jeune violoniste polonais Mateusz Smoczynski (cadet de quarante ans de Kühn !) s’intéresse à son tour à l’œuvre de Seifert. Ce qui a permis une première rencontre lors d’un concert donné à Cracovie en 2009, qui mettait en lumière le concerto pour violon de Zbigniew Seifert… Une deuxième rencontre a lieu presque dix ans plus tard, à nouveau pour interpréter le même concerto, avec l’Orchestre Symphonique National de Pologne. Avant le concert, Kühn et Smoczynski se croisent dans les loges et profitent de ces temps perdus pour jouer ensemble quelques improvisations. Nul doute que cela a éveillé de vieux souvenirs chez le pianiste allemand qui proposera à son nouvel ami une troisième rencontre, plus formelle celle-ci, dans sa maison à Ibiza. La suite, vous la devinez. «Speaking Sound» est le résultat des sessions enregistrées à Ibiza durant deux journées. Le répertoire offre un large spectre musical. On peut entendre une composition de l’oudiste libanais Rabih Abou-Khalil, une composition de l’accordéoniste niçois Vincent Peirani et une composition de G.I. Gurdjieff (curieusement le seul ici à appartenir au domaine de la musique classique). Le reste est largement à mettre au crédit de Joachim Kühn. Son jeu expressif s’accorde magnifiquement avec la dextérité dont Smoczynski fait preuve. Belle («Epilog der Hoffnung») ou contemplative (pour une bonne partie du disque), la musique du duo respire la joie de jouer. Plaisir partagé chez l’auditeur, c’est évident.
Yves «JB» Tassin