Soft Machine : British Tour ‘75

Soft Machine : British Tour ‘75

Major League Productions / Suburban

En 1975, le jazz-rock était devenu le genre dominant. De grands noms du jazz (Miles Davis, Chick Corea, Wayne Shorter, Joe Zawinul, Herbie Hancock,…) avaient opté, avec un certain succès aussi bien artistique que populaire, pour cette fusion entre modes musicaux d’expression. Des musiciens étiquetés « rock », et non des moindres (cf. Jeff Beck), empruntèrent la même direction. Soft Machine était bel et bien un groupe de rock à ses débuts, tourné vers le psychédélisme des années 66-67. Progressivement, le groupe diversifia ses sonorités avec des touches jazzy de plus en plus évidentes, pour arriver à leur période 74-76 et ce jazz-rock de grande qualité (avec des influences certaines du Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin). A l’époque, Soft Machine était composé de 4 anciens membres de Nucleus (autre groupe légendaire du jazz-rock anglais du début des années 70) : Roy Babbington (basse), John Marshall (batterie), le légendaire Allan Holdsworth (guitare) et le claviériste-saxophoniste Karl Jenkins, qui avait, petit à petit, pris le leadership du groupe aux dépens du mystérieux Mike Rattledge (claviers), seul membre restant du Soft Machine original, qui ne se reconnaissant pas vraiment dans cette musique, et qui quitta finalement le navire début 1976. C’est dans cette formation que Soft Machine donna un extraordinaire concert (en quadriphonie!) au Palais des Congrès de Liège le 1er février 1975. Un mois plus tard, sortait l’album « Bundles ». Soft Machine, dans cette formule jazz-rock, était vraiment au sommet de son art. Peu après la sortie de cet album arriva l’information du départ d’Allan Holdsworth (habitué à ne rester dans un projet qu’un maximum de 2 ans). Qu’allait devenir Soft Machine sans Allan Holdsworth, ce guitariste surdoué qui avait une grande importance dans le son du groupe (de par sa guitare, instrument que Soft Machine avait délaissé de 1967 jusqu’à l’arrivée d’Holdsworth fin 1973) ? Tout simplement, il continua avec un autre grand guitariste, John Etheridge (peu connu à l’époque et recommandé par Holdsworth lui-même). Soft Machine donna énormément de concerts en cette année 1975 (2 tournées anglaises et 2 tournées européennes). L’enregistrement qui nous concerne ici a été capté pendant la tournée automnale 75 des collèges et universités anglais, précisément à la Nottingham University. Excellent album que celui-ci (publié une première fois en 2005) : nous avons droit à quasi 80 minutes (presque l’entièreté du concert) du Soft Machine 1975, avec John Etheridge (dans un style sûrement plus direct et « rock » que celui d’Allan Holdsworth, mais extrêmement efficace et énergique). Cet enregistrement reprend les morceaux majeurs de l’album « Bundles » (dont notamment la longue suite « Hazard Profile » Parts 1-5) et 3 compositions qui allaient apparaître sur l’album suivant, « Softs », sorti en juin 1976. L’album se termine par une longue jam improvisée et endiablée de 14 minutes (« Sign of Five »), où le groupe prend le temps de développer davantage encore son discours. Seul petit défaut : la longueur du solo de batterie (plus de 10 minutes), mais cela était courant dans les années 1970. Pour conclure, rappelons que Soft Machine existe toujours (cf. la récente chronique chez JazzMania de l’album « Live at the Baked Potato » -https://jazzmania.be/?p=24837) et que John Etheridge, Roy Babbington et John Marshall en font toujours partie malgré leur âge respectable.

Sergio Liberati