Charles Lloyd & The Marvels : Tone Poem
Depuis des années, Charles Lloyd privilégiait les formations avec pianiste, et pas n’importe lesquels : de Keith Jarrett à Jason Moran en passant par Geri Allen ou Gerald Clayton. Seuls les guitaristes John Abercombie et Julian Lage s’étaient faufilés entre les claviers. Avec ses Marvels, le saxophoniste a invité deux guitaristes, Bill Frisell et Greg Leisz (steel guitar), ce qui a considérablement modifié le son du groupe. Après « I Long to See You » et « Vanished Gardens », voici le troisième album de cette formation, « Tone Poem ». Trois compositions du saxophoniste dont deux nouvelles, je pense, « Tone Poem » et « Dismal Swamp » (à la flûte), plus « Prayer » et une reprise, « Lady Gabor », de Gabor Szabo. Ajoutez-y un choix de thèmes tous aussi séduisants les uns que les autres ! Une paire de compositions d’Ornette Coleman d’abord, où les deux guitaristes s’en donnent à cœur joie (« Peace » et « Ramblin’ ») avant une tendre pause sur « Anthem », une vision lyrique du thème de Leonard Cohen – un poème sans paroles qui nous fait remarquer que cette fois Charles Lloyd n’a pas fait appel à des voix (Lucinda Williams sur « Vanished Gardens », Norah Jones et Willie Nelson sur « I Long to See You »). Puis une autre vision de « Monk’s Mood » que le saxophoniste avait déjà introduit sur l’album précédent et qui paraît ici à la fois plus lent et plus lumineux. « Lady Gabor », avec Lloyd ici aussi à la flûte, laisse après quatre minutes, le champ libre aux deux guitaristes. Une ballade cubaine « Ay Amor » avec ses accents tropicaux à la guitare, complète le tableau d’un album où les Marvels semblent être en pleine maturité. Une nouvelle perle à ajouter à la discographie de Lloyd qui, de plus en plus, fait figure de poète du saxophone, tant ce qu’il sort de son ténor sonne profondément humain. « Prayer », moment d’introspection final, en est l’intense reflet.
Jean-Pierre Goffin