Raphaël Imbert : Oraison
OutNote Records / Outhere Music
« J’ai foi en la mémoire. Je crois, comme Duke Ellington, qu’un musicien a besoin du souvenir pour jouer, pour créer. Peu importe le style, l’idiome qu’il choisit pour cela… La mémoire que le musicien utilise pour actionner sa démarche artistique semble primordiale pour la pertinence et la profondeur de son propos. » Ce texte est repris du coffret « Projects » regroupant trois albums de Raphaël Imbert, il colle parfaitement à l’artiste. Dans la mémoire du saxophoniste, on plonge dans l’œuvre classique (Bach, Mozart), dans le jazz (Ellington, Coltrane, Ayler, …) et aujourd’hui dans la mémoire de proximité, celle de son village en Haute-Provence, « Oraison », dont la population a subi les affres de plusieurs conflits (1851 et la résistance au coup d’état de Napoléon III, 14-18 et 40-45). « Oraison » est construit comme un oratorio avec son introduction, son final (les trois titres dédiés aux enfants du saxophoniste, comme un signe d’espoir final et d’un prolongement de la mémoire) et son thème récurrent, « For Years », court, sobre et profond. Un refrain qui rappelle le poids du temps souligné par la basse de Pierre Fenichel. Avec une parfaite cohésion, Raphaël Imbert traverse toutes ses influences au départ d’un quartet à la Coltrane dont on retrouve la force dans « Oraison Belliqueuse », mais aussi Albert Ayler dans « 1851 », et enfin les influences de la musique européenne. Si on veut pénétrer la force de cette musique, il faut l’écouter d’une traite, comme une pièce de théâtre où on ne s’arrêtera pas au premier acte. Pour réussir ce projet, le saxophoniste – ténor, alto, soprano mais aussi à la clarinette basse – s’est entouré d’une équipe qui colle au projet par la diversité des climats, la puissance d’émotion qu’ils insufflent à tout moment et l’engagement qu’on ressent de bout en bout. Le genre d’album qui laisse des traces.
Retrouvez Raphaël Imbert en interview dans JazzMania ce mercredi 2 juin.