Emile Parisien et Vincent Peirani séparés !

Emile Parisien et Vincent Peirani séparés !

On les a tellement vus ensemble ces dernières années que les chroniquer côte à côte n’a rien d’incongru. Car l’intensité du jeu, la force d’expression est là sur ces deux galettes qu’on dévore avec autant de plaisir. Le label ACT l’a bien compris, les deux albums portant des numéros de série qui se suivent ne doit pas tenir du hasard : 9943 et 9944, après « Belle Epoque », « Living Being », « Living Being II » et « Abrazo ».

Emile Parisien
Louise
ACT / New Arts International

Honneur aux dames et à « Louise », Louise Bourgeois, artiste contemporaine qui a marqué Emile Parisien, surtout sa sculpture-araignée qui pose devant le Guggenheim de Bilbao. Pour ce nouveau voyage, le saxophoniste a choisi une équipe mixte entre musiciens du nouveau monde et d’Europe. Du vieux continent, le pianiste Roberto Negro, qu’Emile Parisien a déjà croisé sur « DADADA », et le guitariste Manu Codja. D’Outre-Atlantique, il a embarqué un maître des tambours Nasheet Waits (souvenez-vous de « Baïlador » de Michel Portal), une figure montante du jazz d’aujourd’hui, le trompettiste Theo Croker et un des piliers du jazz new-yorkais, le bassiste Joe Martin. Des compositions partagées – seul Joe Martin n’a pas écrit pour l’album – et un bluesy « Madagascar » de Joe Zawinul, pour nous rappeler qu’Emile a tourné avec un projet hommage à « Weather Report ». Si le son du sax-soprano est reconnaissable entre mille, cela ne nuit en rien à l’imprévisibilité de la musique : tout ici provoque la surprise, fait sauter les barrières des genres tout en flattant les oreilles par le soin mis dans les textures, dans l’équilibre, dans l’énergie, dans la lumière que génère chaque note, dans l’émotion et dans l’esprit de liberté jaillissant de chaque pièce. « Louise » est une galette aux saveurs douces et épicées à la fois, dont on a peine à se détacher.

Vincent Peirani
Jokers
ACT / New Arts International

« Jokers », le nouveau trio de Vincent Peirani avec le guitariste Federico Casagrande et le batteur Ziv Ravitz, est loin d’être une rencontre éphémère dans un studio. Plus d’une trentaine de concerts – dont un mémorable à la Jazz Station de Saint-Josse – avant d’entrer en studio pour donner naissance à ce « power-trio » comme on dit dans les milieux du rock. A propos de rock, on savait déjà Vincent Peirani féru de Led Zeppelin – la suite « Kashmir » /  « Stairway to Heaven » de « Living Being II » – le voici qui nous sort de ses tiroirs du Marilyn Manson dont il adoucit le ton avec une originalité qui amusera les fans de metal : « This Is the New Shit » introduit par de douces clochettes, fallait le faire ! On le découvre tout au long des neuf pièces, cet album est plein de surprises, de trouvailles liées à la préparation et au mixage : recherche sur le son, utilisation de boîte à musique, glockenspiel, accordina, utilisation des voix comme sur le tube de Bishop Briggs, une construction des morceaux qui, pour autant, ne néglige pas les moments de bravoure comme ce fantastique solo de Federico Casagrande sur « Salsa Fake ». Puis, il y a « Copy of A » de Nine Inch Nails qui complète le catalogue d’un accordéoniste rockeux à souhait. Comme dans un scénario bien construit, « Les Larmes de Syr » vient apaiser le cours des choses tout comme « Circus of Light », sorte de fête foraine aux bruitages magnifiques, « Twilight », douce composition de Casagrande, et la délicieuse promenade italienne qui clôt l’album.

Jean-Pierre Goffin