Les nuits et les jours de Querbes ‐ 25ème édition
Sur les remparts de Capdenac-le-Haut a été installé un abri temporaire qui permet d’accueillir, jour après jour, une heure au lever et une heure au coucher, une personne invitée à veiller sur la bourgade de Capdenac qui s’étend en contrebas, de l’autre côté du Lot. Entre expérience intime et œuvre collective, cette proposition initie et nourrit un lien entre les veilleurs et les habitants. A son endroit, Nathalie Bollinne écrit : « Veiller, porter son attention de protection à l’extérieur de nous, une sorte de prière qui devrait aller de soi. Ce devrait juste être naturel et pas repris à titre artistique… »
Si le nom de Capdenac apparaît sur la carte, celui de Querbes demeure une énigme. Ce n’est pas un village, tout au plus un hameau de quelques anciennes fermes aveyronnaises marquées par les lézardes du temps. Du haut de la terrasse de Jean-Paul Oddos, on peut apercevoir la vallée encaissée du Lot qui s’étend au nord. C’est ici, au milieu de nulle part, qu’il y a un quart de siècle, naissait ce qui allait devenir au fil des ans un festival comme il n’en existe nul autre ailleurs.
A l’époque, c‘est la grange spacieuse réinvestie par Oddos qui abritait la scène et le logement des artistes invités. Aujourd’hui, le festival s’est étendu, professionnalisé. Les lieux se sont diversifiés mais Jean-Paul continue d’héberger les musiciens et écrivains conviés chaque été. Pour sa vingt-cinquième édition, le Festival propose sous sa bannière « jazz & littérature » une affiche requinquée. Après un concert introductif d’Alberi Sonori à l’amphithéâtre de Decazeville fin juillet, c’est sur la place de la vieille halle de Figeac qu’il s’inaugure véritablement en cette caniculaire soirée du 5 août. C’est un « petit festival qui s’inscrit dans la durée et sans renoncement » annonce Oddos avant de présenter les écrivains de cette édition : Sedef Ecer, Frédéric Ploussard, Philippe Marczewski et Pierre Darkanian. Après une séance de lecture dédicacée d’extraits de leurs derniers livres respectifs, c’est au trio Mowgli, à la croisée du jazz, de l’électro et du post-rock qu’il revient d’animer les lieux.
Le lendemain débute par la visite performée de Capdenac-Gare sous la conduite de Katrin Adler et un scénario croqué par Jean-Paul lui-même. L’après-midi, c’est le parc ouvert qui reçoit la visites des Fils de Rawek, le quartet de Gaspard Baradel et, après un souper sous les lampions, le projet Papier Ciseau du pianiste Roberto Negro avec l’époustouflant Emile Parisien en invité. La nuit se prolongera avec des lectures sous les arbres autour du Gargantua de Rabelais.
La matinée dominicale est consacrée à un café littéraire autour de la mythique « Conjuration des imbéciles » de John Kennedy Toole. Le déjeuner se prend sur l’herbe. Au menu : saucisses de Toulouse grillées et aligot aux topinambours. A l’heure du thé, ce sont Le Grand Orphéon Quintet & L’Orchestre National de Querbes qui investissent les lieux. Sans doute le clou du festival. Composée à la fois de musiciens aguerris et de simples amateurs de tous âges, cette grande formation en concrétise le credo : « pari décidé de la fraternité et de la joie » et ancre véritablement celui-ci à son territoire.
Le concert de clôture donné en soirée sous chapiteau manque d’aération. Il consacre le projet original Pianoïd d’Edouard Ferlet. Ferlet joue et se joue non pas d’un piano mais de deux. L’un alimentant l’autre qui lui répond. Un dialogue à la lisière du classique contemporain, de Bach et de l’ambient dont le bémol est peut-être, à force de vouloir jouer la carte de la dextérité, fut-elle majestueuse, de laisser une partie de l’audience en rade.
Qu’à cela ne tienne, il reste encore un peu de temps pour boire un dernier coup, sous les arbres, avec l’équipe, le public. Des échanges, des fragments de conversation qui ne mènent à aucune destination assignée si ce n’est celle d’une douce joie d’été. C’est là que nous saisit alors cette vérité : nous sommes tous Querbesiens et Querbesiennes. Nous sommes tous des veilleurs, veilleuses de Capdenac et d’ailleurs.
Merci à David Bedel pour les photos.