Machine Mass, Inti
Machine Mass, Inti (Moonjune Records)
Ce deuxième disque de Machine Mass fait partie de ceux qui vous obligent à compter sur vos doigts et compulser frénétiquement la pochette. Vraiment ? Ils ne sont que trois ? Au batteur Tony Bianco et au guitariste belge Michel Delville, qui forment le duo originel, ne s’ajoute-t-il vraiment que le saxophoniste Dave Liebman ? On se pince. Combien de batteurs ? Et qui est ce bassiste qui tient une walking bass sèche comme une pierre sur « Centipède » pendant que le ténor et la guitare se percutent à grands coups de riffs écorchés ? Tout n’est qu’électronique. Le disque en est imprégné, au point de sonner parfois – délice suranné mais revendiqué – comme une œuvre de rock-fusion fin années 80 (« Lloyd »). Rassurons-nous cependant, le groupe en a exclu toute forme de bavardage et de surenchère pour ne garder qu’une rigidité dont s’accommode à merveille la guitare (« INTI »)
Enregistré en une journée, INTI est une série d’improvisations totales sur des boucles électroniques travaillées live, et dont la structure même ne permet pas de le situer dans le champ de la musique répétitive. Tout est conçu pour que les musiciens fondent leur instruments dans une masse complexe, où la batterie est un cœur palpitant aux directions multiples. Bianco accélère, ralentit, se dédouble, choisit de suivre tel ou tel comparse sans quitter la masse orchestrale définie par ses machines. Même sur le formidable « Elisabeth », long morceau qui lui fait la part belle, il ne se départit jamais de ses artifices et improvise longuement au milieu des spectres de frappes renversées ou de pulsations dédoublées, avant de laisser à Delville un solo étincelant qui trahit, plus encore que les autres musiciens, son esthétique purement zappaïenne.
Tout au long de l’album, les prises de paroles du leader de The Wrong Object sont brillantes et absolument libres. On pouvait craindre que la cohabitation de la guitare avec les tuyaux de Liebman ne soit pas égalitaire, mais celui-ci durcit à merveille son jeu pour faire face, et ce dès « INTI », sur lequel son soprano rend coup pour coup aux machineries électroniques du duo. C’est sur la reprise apaisée « A Silent Way » que Machine Mass trouve son équilibre. Au nuage de sitar numérique, Liebman répond par le son charnel d’une flûte en bois ; puis guitare et saxophone viennent s’harmoniser à cet écho persistant. Un charme que même le très dispensable « The Secret Place », auquel Saba Tewelbe prête sa voix, ne parvient pas à troubler.