Soirée Jacques Pelzer / Maison du Jazz le vendredi 16/12 ‐ on vous dévoile déjà tout !
1992. Aucun concert prévu ce soir. Glander quelques heures d’un bistrot à l’autre. Ou, pourquoi pas, aller refaire le monde en fumant un pétard avec Frère Jacques, jésuite reconverti (ou pas) en jazzman. Il pleut. Et je sais déjà qu’au cours de cette visite impromptue, Jacques oubliera de faire tourner le joint et se la jouera philosophe, me parlant de notre situation géographique, l’un sur les hauteurs de la rive droite, l’autre de la rive gauche, jamais bien loin de Liège, mais ayant la chance de pouvoir nous retrancher, si le vent tournait, sur notre toit nietzschéen. Il pleut. Quelques maisons plus loin, il y a de la lumière chez Bernadette Mottart. Si Jacques n’est pas là — ou s’il picole au bistrot d’en face — je pourrais toujours refaire une autre partie du monde en fumant un pétard avec la représentante officielle de Mars sur Terre. Mais je vous parle évidemment d’un temps que les moins de trente ans etc.
2022. Presque trente ans que Jacques Pelzer a replié son saxophone, un après-midi d’août 1994, alors qu’il se préparait, avec son ami Guy Masy, à nous rejoindre à ce festival de Gouvy auquel, Claude Lentz ne manque jamais de le répéter, il avait donné une sérieuse impulsion, comme certain Hollandais Volant un peu plus tard. Avec la disparition de notre Jack the Hipster à nous (dans le nord du pays, l’étiquette désignait plutôt le saxophoniste anversois Jack Sels), on ne peut pas dire que le monde ait changé, faut rien exagérer, mais les habitudes du petit cénacle du jazz à Liège, elles, ont basculé vers des lendemains qui, pour faire court, se sont mis à chanter différemment. Qui contesterait qu’il y a eu un avant et un après ce damné 6 août 1994 ? Seul survivant des trois géants (Bobby Jaspar et René Thomas l’ayant précédé depuis pas mal de temps déjà, out of this world), Jacques était tout à la fois l’icône, l’emblème, le symbole et la mascotte du jazz ardent. Ne plus voir, à la fin de chaque concert, son incontournable petit bonnet apparaître pour la jam qui, en ces temps reculés, faisait office de troisième set, ça avait été comme un petit tsunami bleu. Qui en annonçait bien d’autres.
Pour les plus de trente ans qui ont eu la chance de connaître le maître dans son antre, in illo tempore, chaque mercredi soir passé au Jacques Pelzer Jazz Club, reste source de profonde émotion – la pharmacie devenue restaurant, le salon et la salle à manger transformée en salle de concert, le garage en studio, la cuisine en bar, l’annexe en cuisine, la chambre de Chet, le jardin et j’en passe. Comme d’autres, de moins en moins nombreux évidemment, je me complais volontiers dans les souvenirs doux-amers de ces jams improvisées, de ces rencontres improbables (Chet, Jon Eardley et tous les autres). Passons. Sur la nostalgie, mais pas sur la musique. Qu’il convient de faire réécouter à ceux qui n’ont pas eu la chance de l’apprécier en direct, et spécialement de ces disques jamais réédités comme il se doit, de ces captations tv, de ces centaines de cassettes au son douteux. Décembre sera pour nous (et pour vous, on l’espère) une fin d’année marquée par Jacques Pelzer. Projections, écoute de disques rares, photos, affiches… Les archives de la Maison du Jazz vont émigrer pour un soir, direction l’Hôtel Pelzer — comme on appelait autrefois, devinez pourquoi, la maison du Thier à Liège. Le tout sous le sourire jésuito-sceptique de notre Jajacques. Ça se passera le 16 décembre. On vous y attend !
Les documents
La discographie disponible de Jacques Pelzer fut longtemps réduite à peau de chagrin. C’est trop injuste, comme disait l’autre. Disques jamais réédités, albums sur lesquels le nom de Jacques n’apparaît pas, bandes disparues. Modestement, la Maison du Jazz a tenté au fil des ans de réunir les pièces du curieux puzzle pelzerien. Les premières pièces de ce puzzle (et les plus anciennes) m’ont été fournies début des années 80 par quelques vétérans que j’interviewais pour mon livre sur l’histoire du jazz à Liège, documents dont Jacques lui-même avait bien souvent oublié l’existence et qu’il redécouvrait avec émotion lorsque je les lui amenais. C’est ainsi que, petit à petit, notre «Fonds Pelzer» s’est mis en place. Aujourd’hui, on peut y entendre entre autres (liste non limitative et n’incluant pas les innombrables photos, affiches, folders, coupures de presse, lettres, objets personnels, etc.) :
Collectors (acétates, 78 tours, bandes en papier)
• les acétates de la Session d’une Heure (Roger Classen, Georges Leclercq, Armand Bilak etc.), gravés à quelques exemplaires pendant la guerre dans les studios de Liège Expérimental (1943-1944), alors que Johnny Hodges était l’influence numéro un du Jacques
• le premier acétate des Bob Shots, dont le seul exemplaire ayant survécu était celui, emballé comme une relique, du pianiste Jean-Marie Vandresse — c’était en 1946, au cœur de la période swing des Bob, avec Sadi au piano et au chant et un Pelzer sous l’influence de Benny Carter
• le premier 78 tours officiel des Bob Shots, sur Olympia, alors qu’en 1947, Pierre Robert, Jacques, Bobby et les autres s’essayaient au be-bop
• l’incroyable bande en papier conservée par le pianiste Jean-Marie Vandresse, qui s’effritait dangereusement dès qu’on osait la toucher, et que Michel Dickenscheid parvint à rendre audible. Imaginez : une répétition des Bob Shots, en préparation du festival de Knokke (1948) avec la voix de Pierre Robert qui présente le groupe
• la retransmission radio d’Anthropology joué par les Bob Shots au festival de Nice en 1948
• les trois 78 tours Pacific gravés par l’ultime mouture des Bob Shots (avec Francy Boland et Sadi) en 1949 lors du festival de jazz de Paris, où ils jouèrent au même programme que Charlie Parker et Miles Davis
• les nombreux acétates enregistrés en 1952 et 1953 par René Thomas et Jacques Pelzer période Tristano, mais aussi par Pelzer/Jaspar lors d’un retour de ce dernier.
• les quelques émissions de radio de Bettonville (Jazz Vivant) préservées sur acétates ou sur bandes en papier avec une des deux seules traces du travail des trois grands Liégeois ensemble
• les rarissimes 78 tours gravés par Jacques lors de sa découverte de l’Afrique en compagnie de John Ouwerx et de musiciens congolais : kitsch mais amusantes plages comme Tu es la plus belle ma doudou
Microsillons 25 cm, participation à des albums collectifs, anthologies, bandes magnétiques
Tandis que Jaspar et Thomas enregistraient à Paris, Jacques Pelzer eut quand même l’occasion de graver quelques 25 cm (les «petits microsillons») de haut vol, et quelques 45 tours, aucun de ces disques n’ayant connu de réédition en cd :
• le troisième volume de la collection Innovation en jazz (1955, avec René Thomas, Jean Fanis, Herman Sandy… et une sublime version de Lover Man par un Jacques hyper-konitzien
• le 25 cm Jazz for Moderns avec Herman Sandy et Fanis à nouveau (1956)
• la bande immortalisant la rencontre entre Jacques et Lucky Thompson à Bxl (1956) et celle d’un concert à Huy avec le pianiste suédois Lars Werner
• la participation du band de Jacques feat. Milou Struvay au disque Jazz in Little Belgium sorti lors de l’expo 58 (Jacques joue une de ses rares compositions, Don’t Smile)
• quelques bandes privées captées à la radio à l’époque de Comblain ou en France (avec René Thomas entre autres)
• le 45 tours Jazz in Italy n° 10 (Fonit Cetra) enregistré avec le trio d’Amedeo Tommasi et qui comprend notamment le titre Ballade for Micheline
• le 45 tours reprenant les musiques écrites par Komeda pour le film Le Départ de Jerzy Skolimowski avec, aux côtés de Jacques, des musiciens comme Gato Barbieri, Don Cherry etc.
Microsillons 30 cm, bandes magnétiques
• le grand disque enregistré en Italie avec des musiciens locaux, Jacques Pelzer Introduces Dino Piana. Pour Jacques, ce disque était le plus beau qu’il ait enregistré.
• les vinyls reprenant la participation de Jacques à des concerts de Lalle Svensson (1960, bouleversant Theme for Ernie), de Lloyd Miller (1960-61), mais aussi du NDR Jazz Workshop (1962) de l’International PS Orchestra (1963) de Michel Roques (1965)
• les bandes enregistrées au Jazz Inn avec Maurice Simon entre autres (1962)
• l’album Meeting de René Thomas (1963) avec Meeting et Hannie’s Dream entre autres
• Les disques gravés avec Chet (mais hélas souvent non crédités à Jacques) cfr Stella by Starlight, In Brussels, The Incredible Chet Baker Sings and Plays, Live in Holland, Deep in a Dream of You etc. (1963-1977)
• la bande enregistrée par l’ORTF et qui témoigne de la période free de Jacques (1968) avec Kent Carter, Ronald Lecourt et Micheline Pelzer
• les deux vinyls (Open Sky Unit 1974, et Song for René 1975) enregistrés et produits par le disquaire liégeois Duchesne
• les vinyls enregistrés chez Michel Dickenscheid (Saxo 1000 1980, JP Gebler 1981, Two JP’s, JC Renault 1981, The Two JP’s 1984, Guy Cabay 1987 etc.
• les disques gravés par Stella Levitt (1980)
• les 1001 bandes et cassettes enregistrées par Jacques lui-même, par ses fans, par la RTBF, par les patrons de club ou de festival…
• la participation de Jacques au téléfilm Le Gai Moulin de la série Maigret
• les bandes originales des différentes séquences du film Sax en Fugue (1983)
• les Interviews de Jacques publiées par la Province de Liège
• et bien sûr, les deux cd testamentaires de Jacques : Never Let Me Go (Igloo 1990) et Salute to the Band Box (Igloo 1993)
Vidéos, captations
• le film Europa Jazz (avec Toots, Sadi etc) 1960
• l’émission Jazz pour Tous avec Chet Baker en 1963
• la retransmission en Eurovision de l’Early Bird Jam Session en 1965
• l’apparition dans le Jack Dieval Show avec Percy Heath (1965)
• divers concerts avec Chet Baker, notamment celui de Laren en 1975
• le concert de Saxo 1000 au Conservatoire de Liège (1980)
• le concert donné à Namur avec Robert Jeanne (1985)
• le concert de réouverture du Forum en 1989 avec Toots, Houben, Catherine etc
• les séquences de Cargo de nuit, Tour d’y voir, Tour de chance (1991 1992, 1994) et les extraits du film consacré à Eric Legnini (1990)