ORBIT : in-visibility

ORBIT : in-visibility

Yolk Music

L’histoire du trio débute à l’Europa Jazz Festival du Mans en 2016 et le premier album décolle en 2019 : « Orbit ». C’est le nom du trio, trois satellites essentiels de la musique européenne et au-delà, avec le batteur Tom Rainey (souvenez-vous d’un mémorable concert réunissant Nils Cline et Julian Lage au Mithra Jazz, et, pour les anciens, « The Chromatic Persuaders » au « Lion s’Envoile » en… 1998 !). C’est dire si l’homme a une expérience sans nom des formations libres et improvisées. A la contrebasse, Sébastien Boisseau – souvent vu dans l’équipe de Mâäk de Laurent Blondiau – fantastique contrebassiste passé par les cordes avec Jean-François Jenny-Clarke, et dans le « Baby Boom » de Daniel Humair. « Orbit » définit à la fois l’inspiration et le nom du groupe : « Oliva-Rainey-Boisseau International Trio », mais on peut y voir aussi la composition peu connue « Orbit » de Bill Evans, une des influences majeures de Stéphane Oliva – à ce sujet, l’album « Intérieur Nuit » enregistré il y a vingt ans avec Paul Motian et Bruno Chevillon, reste une référence du piano trio dans ma cédéthèque. « in-visibility », le nouvel album du trio se clôture avec cette composition de Bill Evans, comme une signature.

« L’Observatoire » ouvre l’album comme une recherche d’étoiles de plus en plus lointaines, une composition partagée entre les trois musiciens. « Extérieur Nuit » s’échappe sur un solo de Rainey. « Black Matter » et son intro légère comme une pièce de Satie, joue sur l’apaisement, la quiétude d’une douce vibration astrale, alors que « Puls Art » nous emmène dans le chaos d’espaces encombrés de déchets spatiaux. Tout ceci n’est qu’impression, ressenti, car la musique du trio joue essentiellement sur cela : notre perception d’une musique à la fois puissante – autant dans ses moments de douceur que dans ses envolées plus énigmatiques – et mystérieuse. Il faut pour cela écouter toute l’élégance du jeu de batterie de Tom Rainey, la gravité profonde comme une pulsion continue de la contrebasse de Sébastien Boisseau, la façon dont Stéphane Oliva crée des images subtiles dans sa musique. Si loin dans l’univers, mais si proche dans sa lecture, la musique du trio sonne comme l’évidence d’un trialogue permanent, à la fois subtil et lisible. Aucun intellectualisme suffisant, mais un ressenti permanent d’une complicité sincère.

Jean-Pierre Goffin