Adja, le troisième œil
Le label Sdban Ultra vient de nous livrer quelques très belles productions ces derniers mois. On pense notamment à Stellar Legions, Echt !, Condor Gruppe, De Beren Gieren, Black Flower, Azmari, Glass Museum sans oublier les plus renommés Stuff. et TaxiWars. Dernière perle découverte par le label, la chanteuse compositrice Adja, qui publie chez eux un premier ep, 5 titres disponible en digital et en vinyle. Pour une presque débutante, nous ressentons vite qu’elle sait ce qu’elle veut. Tout est déjà bien concret dans sa tête. Nous décidons du choix de la langue pour l’interview : ce sera majoritairement en anglais que nous allons converser. Avec malgré tout du français (« il est comme ci comme ça, mon français ! ») et en ultime recours, pour une explication précise, ce sera en flamand.
«C’est Joni Mitchell qui m’a montrée ma voie.»
Adja : J’ai grandi à Anvers puis à Bruxelles. Mais je suis flamande, je suis née à Anvers.
Qu’est-ce qui t’as amenée à cet intérêt pour le jazz ?
A. : Très jeune j’ai commencé à faire du théâtre, à dire de la poésie. Vers l’âge de 16 ans, où j’étudiais le théâtre, il y a avait aussi une section musicale jazz dans laquelle se trouvaient beaucoup d’amis. C’était à Bruxelles et ce sont ces personnes qui m’ont fait découvrir Joni Mitchell. Ce fut une révélation. Après je suis allée au Conservatoire pour le théâtre mais j’y ai aussi suivi les cours de jazz. Joni Mitchell m’avait montré ma voie. (rires) Et elle reste une de mes principales influences.
Tu as fait un voyage en Inde et au Népal avec le but de découvrir la méditation. Qu’est-ce que cela t’a apporté ?
A. : Depuis longtemps je me passionnée pour tout ce qui se rapporte à la spiritualité. Trouver les éléments qui rattachent le mental au physique. Sans oublier le social. Ce que tu penses de certaines personnes, c’est aussi un questionnement que tu dois t’imposer au jour le jour. Le titre de mon ep « Ironeye » fait référence au « troisième œil qui s’ouvre ». Cela te permet de redécouvrir une partie émotionnelle de ton être.
Tu as remporté un concours nommé « Soundtrack ». Tu peux nous en dire quelques mots ?
A. : C’est un concours, du côté néerlandophone, qui a lieu tous les deux ans. C’est une sorte de crochet « The Voice » mais juste pour les musiciens. Les gens qui ont déjà un peu de « métier » et il n’y a pas qu’un grand vainqueur. Il y a diverses catégories : rock, jazz etc… C’était la première fois que je jouais avec un groupe, que j’avais assemblé pour l’occasion. C’était aussi la première fois que j’entendais mes compositions jouées par d’autres musiciens.
«Je me sens de plus en plus à l’aise sur scène. Je sens que je vais parvenir à me sentir aussi bien que quand je fais de théâtre.»
Tu es aussi danseuse. Entre la musique, le théâtre et la danse. Si tu devais faire un choix…
A. : Le mieux pour moi c’est de me sentir libre de faire ce que je veux ! Je me sens de plus en plus à l’aise sur scène et je sens que je vais parvenir à m’y sentir aussi bien que quand je fais du théâtre. C’est l’idée d’être libre physiquement, pas simplement figée derrière le micro. Parvenir, comme au théâtre, à obtenir une intimité avec le public.
Ton idéal ce serait donc de parvenir à faire les trois sur scène ?
A. : C’est tout à fait cela l’idée ! Je viens de sortir mon premier disque et j’ai essayé pendant quelques semaines, avec mon groupe de dix musiciens, de construire quelque chose de cohérent. Le problème c’est que quand tu commences, on ne te donne que des petites salles. Il faut bien commencer quelque part mais mon idéal ce serait d’avoir des décors, de la danse…
Tu joues toujours avec les mêmes musiciens ?
A. : J’essaye, dans la mesure du possible. Même s’ils ne sont que les exécutants de ma musique, j’aime cette idée de grandir avec eux. Mais ils ont aussi d’autres engagements, donc parfois je dois trouver un remplaçant pour la batterie ou la basse. Mais ce que je crée est axé sur la voix et la guitare. Comme mon compagnon, Alexis Noten, est aussi mon guitariste et mon arrangeur, tu me verras toujours avec lui, il est essentiel dans le processus de création. C’est avec lui que j’ai participé à « Soundtrack » mais pour cela j’avais besoin d’un grand groupe. Nous avons lancé des invitations à des musiciens via Facebook et à Volta (un espace, à Bruxelles où les musiciens peuvent se rencontrer, répéter… NDLR). J’ai demandé une grande salle pour quelques semaines, pour trouver les bonnes personnes et mettre le groupe au point. Certains musiciens faisaient partie de ma classe au Conservatoire.
Tu as opté pour le digital pour cette première sortie mais avec une édition limitée en vinyle…
A. : D’abord, sache que je suis vraiment fière de cette première réalisation. Quant au vinyle il y aura un pressage initial de 300 exemplaires. Nous verrons s’il y a une demande pour une édition supplémentaire. Mais je suis ravie de ces vinyles, c’est quelque chose que tu tiens en main. Ce sera un 10 inch, un petit disque, tout beau. (rires) Pour moi c’est vraiment exceptionnel !
Il contient cinq morceaux, presque tous avec des approches différentes. Soul, jazz, gospel…
A. : Tout à fait. Je n’en suis qu’au début et je voulais explorer différentes voies. Ou me découvrir une seconde fois en écoutant de nouveau ces styles. C’est aussi la première fois que je concrétise quelque chose en musique et j’ai remarqué que j’agissais comme un enfant qui découvre le langage et veut dire plein de choses en parlant sans arrêt ! (rires)
Il y a même une samba qui porte ton nom « Samba Fassa » (Fassa étant son nom de famille).
A. : J’adore la samba ! C’est le style que j’ai écouté le plus quand j’étais enfant. Los Zafiros et le Buena Vista Social Club par exemple. Puis Orchestra Baobab même s’ils ne viennent pas d’Amérique du Sud.
Ta voix peut monter assez haut dans les aigus, tu fais beaucoup d’exercices pour la parfaire ?
A. : Actuellement non, mais je devrais ! (rires) Surtout qu’il y a assez bien de concerts qui arrivent. Mais j’ai une bonne connexion avec ma voix à cause du théâtre. Pendant une quinzaine d’années, j’ai appris à parler fort. J’avais déjà cette base pour commencer à chanter à l’âge de 23 ans. C’est quelque chose qui s’est produit presque naturellement. Quand j’écoute certaines chanteuses comme Liane de la Havas, elles ont tellement d’aisance pour chanter que cela me motive à faire des exercices vocaux ! (rires)
Allez j’ose la question… Tu es très jolie mais alors, pourquoi une peinture sur la pochette du disque et pas une photo de toi ?
A. : Woaw ! Thank you! (rires) J’aurai peut-être dû mais une photo peut donner une certaine réalité de la vie, une orientation spéciale selon l’appréciation de chacun. C’est comme pour les chansons ou les clips je voulais des spécificités différentes mais c’était impossible d’avoir un dessin d’animation pour illustrer une chanson. Plus tard je pourrai peut-être me le payer mais en attendant, j’ai opté pour une peinture pour illustrer la pochette. C’est une artiste américaine que j’ai trouvée sur Instagram. Je l’ai contactée en lui disant que j’appréciais sa manière de dessiner. Je trouve que c’est une belle balance entre nos deux mondes : la simplicité de son dessin et moi toujours occupée, avec peu de temps libre.
Et maintenant les premiers concerts arrivent…
A. : Je vais d’abord faire un showcase sous la forme d’un trio voix, guitare et trompette. Puis viendront sept concerts avant que je ne fasse une version théâtrale du show en avril. Mais je n’ai encore aucune idée quant à la façon dont cela va se passer ! (rires) J’ai quelques idées, le groupe sera moins imposant afin que je puisse bouger, danser et chanter avec un petit micro accroché à l’oreille. Ce sera encore une autre expérience.
En concert : Au Beursschouwburg (Bruxelles) le 1er mars, au Hnita (Heist op den Berg) le 2 mars, puis De Centrale (Gand), De Roma (Anvers), le 30 CC (Leuven) et le Cactus Club (Bruges)… Toujours en mars (infos : www.sdbanrecords.com).
Adja
Ironeye EP
Sdban / N.E.W.S.