Guillaume Kosmicki : Compositrices ‐ L’histoire oubliée de la musique
Tout est au féminin dans le titre. Et pour cause, il introduit ce que Guillaume Kosmicki entend démontrer au long de cet ambitieux ouvrage et qui se résume en une phrase« : Les compositrices sont les grandes oubliées de l’histoire de la musique ». Certes, il n’est pas le premier à avoir formulé ce postulat. Mais il le fait de manière ordonnancée, ordonnée. Son propos part du constat qu’au cours de l’histoire, les compositrices ont été mises, de manière systématique, à l’écart.
Son regard est à la fois historique et sociologique, s’intéressant dans un premier temps au rôle de la religion, du patriarcat, de la reproduction des inégalités de chances et d’accès. Dans un second temps, il suit une trame chronologique qui débute avec la Grèce et la Rome antiques où les traces sont éparses. Ensuite, il passe en revue la très longue période du Moyen Age pour arriver à la Renaissance. C’est au dix-septième siècle que s’amorce une évolution tangible, il le voit comme étant le « grand siècle des compositrices », revenant sur des noms que seuls les férus d’histoire de la musique classique connaissent.
Le dix-huitième n’est pas en reste. Kosmicki s’interroge sur le rôle des Lumières à l’égard des femmes créatrices. Le dix-neuvième est le siècle du romantisme, le rôle des femmes s’affirme mais elles demeurent pour la plupart dans l’ombre des hommes. Il faut attendre la modernité qui surgit au vingtième pour que l’émancipation des compositrices se concrétise et marque de manière irréversible l’histoire de la musique. La dernière période, la contemporaine, débute au sortir de la seconde guerre mondiale. Des pionnières surgissent, parfois de nulle part : Eliane Radigue pour l’électronique, Beatriz Ferreyra pour l’électroacoustique, Nina Simone pour le blues, Carla Bley, Joëlle Léandre pour le jazz, Julia Wolfe en musique minimaliste contemporaine, Unsuk Chin, Rebecca Saunders en musique classique…
L’auteur termine son livre sur un épilogue tourné vers le futur, à la lumière des mouvements récents tel celui de #metoo, prenant clairement position pour que le patriarcat disparaisse « comme un lointain souvenir de l’histoire ». « Contrairement à la fragilité des avancées sociétales gagnées par les femmes, les supports mémoriels, partitions et enregistrements, fixent durablement les compositions ; la création musicale féminine s’inscrit à tout jamais dans l’encyclopédie artistique de l’humanité » conclut Kosmicki.
Le livre est doté d’un glossaire explicatif et reprend les sources bibliographiques, très nombreuses, sur lesquelles il s’appuie. Sa lecture s’avère au final captivante et jamais fastidieuse. Un fabuleux voyage dans le temps qui se comprend d’autant mieux que sa destination finale reste à atteindre.
Guillaume Kosmicki
Compositrices ‐ L’histoire oubliée de la musique
Le mot et le reste
468 pages
ISBN : 9-782-3843-1022-7
29 €