Vossa Jazz 2023 ‐ clap 50e !
Nous nous sommes rendus à Voss, Norvège, où se tenait cette année la cinquantième édition du Vossa Jazz, un festival qui réunit (essentiellement) la crème du jazz nordique lors du week-end des Rameaux, du 31 mars au 2 avril. Carnet de voyage…
Jour #1 Fredag ‐ vendredi 31 mars ‐ la galère (en vanskelig tid)
Il a fallu se lever tôt, attraper un train de 6 h 30 reliant Liège et Zaventem via Leuven et s’astreindre au checking organisé dans l’immense hall de l’aéroport. Tout se passe bien, l’accueil au guichet de la compagnie qui organise le voyage est excellent. Mais d’emblée, l’axe d’alignement des planètes connaît un sérieux déraillement…
Notre avion décolle avec deux heures de retard, la correspondance n’est plus assurée. Car il faut poursuivre le voyage depuis Copenhague où il faudra attendre quelques heures de plus. L’arrivée à Bergen, sur les côtes de la Mer du Nord se situe aux alentours de 18 heures… Au moment précis où Nils Petter Molvaer démarre son set à Voss pour restituer ce qui demeure un sommet du nu-jazz, « Khmer ».
L’approche de Bergen a beau être splendide avec ses montagnes enneigées, nous ne sommes pas d’humeur… Il nous reste une centaine de kilomètres à parcourir entre les fjords avant d’atteindre la station de ski de Voss. Les organisateurs envoient à notre rencontre une camionnette et un chauffeur – Jostein – avec lequel nous embarquerons deux membres du Team Hegdal une heure plus tard. Nous comprenons alors qu’il ne sera pas question non plus d’assister à un autre concert que nous avions coché et qui réunit dans un même quintet Mari Kvien Brunvoll et Stein Urheim. L’arrivée à Voss a en effet lieu aux alentours de 21 h 30… Quinze heures après notre départ de Liège. Le temps d’avaler un repas qui nous est offert à l’hôtel, nous pouvons enfin humer l’air de la ville et nous rendre au Gamlekinoen, une vielle salle de cinéma aussi désuète que magnifique.
Notre premier concert du périple s’y déroule à 23 h : Hamid Drake’s Turiya.
Accompagnés de la performeuse Noho Ange (danse, spoken words), le batteur américain et ses musiciens comptent bien rendre hommage à Alice Coltrane ! Parmi eux, derrière un masque chirurgical, on reconnaît la barbe de Jamie Saft lui-même ! À l’autre bout de la scène, Jan Bang s’affère derrière ses machines. Durant une heure, on assiste à un concert festif durant lequel Hamid Drake prendra longuement le micro afin de nous faire part de ses sentiments, de sa philosophie musicale. De quoi vous réchauffer une salle, fût-t-elle norvégienne.
Ereintés, nous achèverons notre journée à ce moment-là. Ne doutant pas un seul instant des bons moments qui nous attendent le lendemain.
Jour #2 Laurdag ‐ samedi 1er avril ‐ le bain (badet)
En Norvège – du moins dans notre hôtel, le Scandic – le petit-déjeuner est très copieux. Plats chauds, salés ou sucrés, fromages et charcuteries, saumon, viennoiseries… Il y en a pour tous les goûts et de quoi vous caller une bonne partie de la journée.
Pas le temps de digérer. Avec une poignée de journalistes venus des quatre coins de l’Europe (Italie, Suisse, France, Danemark, Allemagne,…), tous associés au Europe Jazz Network, nous nous retrouvons pour une réunion qui se tient à l’Hôtel Park. Objectif : non pas changer le monde (quoique…) mais bien rassembler nos forces et organiser notre travail afin de donner au jazz européen un maximum de visibilité. C’est en multipliant nos actions communes (IWD, Europe Jazz Media Chart,…) que nous serons le plus efficaces. JazzMania y sera attentif ! Par exemple, en multipliant les échanges d’articles avec nos collègues européens.
À peu près à la même heure, les organisateurs invitaient les festivaliers à une balade culturelle qui sillonnait la ville avant de s’achever par un concert du Joakim Rainer Trio.
Pour notre part, nous grimpons jusqu’à l’Osasalen, une petite salle surchauffée et pleine comme un œuf, située à flanc de montagne. À l’intérieur (et à horaire précis – les Norvégiens n’accusent aucun retard…) nous attendent Sinikka Langeland, son fameux kantele (un instrument plat à cordes pincées), ses chansons folkloriques issues d’un autre temps, sa douceur, ses musiciens.
Ils sont quatre à l’accompagner, tous bien connus des amateurs de jazz norvégien : Mathias Eick à la trompette, Thomas Stronen aux percussions, Mats Eilertsen à la contrebasse et bien sûr le magnifique barbu de service, Trygve Seim au saxophone. Durant un set qui file en apesanteur, Sinikka et son groupe revisiteront le folklore local à leur manière, en utilisant les mots du poète Jon Fosse. Avec des chansons lentes, qui semblent tristes… mais qui vous mettent inexplicablement de bonne humeur ! Toute la beauté des paysages nordiques se trouve ici… Ce concert répond exactement au motif de notre voyage !
Nous pensions que le petit-déjeuner gargantuesque avalé le matin suffirait à nous rassasier jusqu’au soir. Est-ce l’air de la montagne ? Nous partons manger, mais prenons d’abord soin de réserver des sièges pour le concert qui démarrera dans la même salle deux heures plus tard. Celui de Nana Rashid, dont nous venions de recevoir le nouvel album « Music for Betty » (Chronique JazzMania) juste avant notre départ.
La jeune chanteuse danoise évolue en quartet comprenant notamment l’excellent pianiste Benjamin Norholm Jacobsen. Elle semble vulnérable tant ses chansons respirent la sincérité, la mise à nu, le détachement dans l’humilité. On pense à Nina Simone dont elle reprend « Four Women ». Un bel exercice vocal entre originaux et standards (Smile » de Chaplin en rappel) auquel il est difficile de rester insensible. On en reparlera.
En début de soirée, direction le Voss Idrettshall – la vaste salle des sports locale – que l’on atteint en traversant… le cimetière de la ville. Tout naturellement ! C’est un concert contrasté qui nous y attend. Avec un répertoire composé spécialement pour le festival, la jeune guitariste Oddrun Lilja nous emmène aux quatre coins du monde avec un groupe donc chaque membre maîtrise le chant à la perfection. Ragas, soul, Afrique, folk,… Et même si tout ne se trouve pas à niveau, on atteint parfois des sommets vertigineux.
20 h, l’heure du repas ! (Souvenez-vous, les Norvégiens ne sont jamais en retard.) Traditionnellement, au Vossa Jazz, le samedi soir est dédié au repas de gala, le fameux « Sheep’s Head Dinner » (oui, vous avez bien lu…) organisé en collaboration avec la municipalité de Voss à la Bibliothèque. C’est offert avec générosité, à l’image de l’accueil chaleureux auquel nous aurons droit durant tout notre séjour. Certains ont terminé leur assiette… et se sentent un peu lourds au moment de rejoindre le Park pour les derniers concerts de la soirée. Ceux-ci sont regroupés dans de petites salles dans lesquelles le (nombreux) public se tient à l’étroit. Pour notre part, nous arrivons à temps pour se prendre la claque Bushman’s Revenge, un trio de jazz-punk bien sympa comme on les aime.
Un dossier de presse annonçait que Jimi Hendrix produirait cette musique aujourd’hui s’il était toujours en vie et s’il faisait du jazz… Cela peut paraître assez prétentieux, mais ça vous donne une bonne idée de l’énergie que déploie ce trio. J’aime cependant mieux la formule « chaînon manquant entre Albert Ayler et Black Sabbath… ».
Retour à l’hôtel pour une nuit de récupération.
Jour #3 Sundag ‐ dimanche 2 avril ‐ le décor (Innredningen)
Le dimanche est un jour de repos. Tout le monde sait cela… Mais vous vous trouvez néanmoins dans un festival. Oui, la programmation de ce dimanche était sinon moins fournie, en tout cas un peu moins intéressante. Une bonne partie de la journée sera donc consacrée au tourisme : balade jusqu’au Vossfolkemuseum (pas besoin de traduction) le matin, puis nous prendrons plus de hauteur encore l’après-midi grâce au téléphérique (le Gondol) qui nous transporte par-delà la montagne, les organisateurs ayant eu la bonne idée d’offrir à chacun un ticket pour le trajet aller-retour. La chance nous sourit : il fait beau et presque chaud… 1° tout de même…
En milieu d’après-midi, nouvelle traversée du cimetière pour rejoindre la salle des sports où sont fortement attendus le toujours fringant Arild Andersen et son projet Sagn. Inutile de préciser que l’ensemble de la vieille garde norvégienne se trouve sur scène : outre la contrebasse d’Arild Andersen, on retrouve la chanteuse Kirsten Braten, le guitariste Frode Alnaes ainsi que trois « petits jeunes », Bugge Wesseltoft (claviers), Thomas Stronen (batterie) et Bendik Hofseth (saxophone). Le répertoire tourne ici aussi autour du folklore traditionnel norvégien, ce qui ravit le public.
Nous irons manger tôt afin de ne pas rater le dernier concert annoncé, celui de la vedette norvégienne Ane Brun qui fête en ce moment ses vingt ans de carrière. Elle se présente en duo sur scène avec la claviériste Marte Eberson qui se démultiplie pour assurer le décor sonore. Nous découvrons cette chanteuse/guitariste douée, à la voix pure, qui nous laisse néanmoins un peu sur notre faim avec un répertoire un peu convenu, « borderline ». On aurait préféré que la balance penche davantage du côté de Joni Mitchell que de celui de Carla Bruni.
Nous recevons alors un SMS de l’organisateur, une invitation à nous rendre à la party de fin de festival en présence de l’ensemble des bénévoles, laquelle se déroule au Gamlekinoen et que nous quitterons très tard dans la nuit (l’accueil norvégien et la Voss beer étant très sympas).
Jour #4 Mandag ‐ lundi 3 avril ‐ conclusion (konklusjon)
Cette journée du lundi est entièrement dédiée au chemin du retour. À peine moins éreintant que l’aller, en raison des retards pris par nos avions. Cela aurait pu être pire… Sans un nouveau report du décollage de notre avion annoncé à Copenhague, nous aurions sans doute passé la nuit dans cet aéroport. Il n’en sera rien… Mais hormis la vue des monts enneigés qui précèdent Bergen et le splendide paysage qui décore le trajet ferroviaire entre Voss et Bergen, ce voyage aura juste été épuisant.
Seule ombre au tableau en vérité. Depuis notre arrivée en Norvège jusqu’à ce que nous quittions son territoire, nous avons reçu un magnifique accueil. On peut le dire, Vossa Jazz est un festival à taille humaine, familial et populaire (dans le bon sens du terme).
Le 50e anniversaire s’achève ainsi. Au-delà de la musique – très nordique – il y a eu les rencontres, les paysages. Manifestement, les choix de programmation ne se discutent plus dès lors que l’on parle d’un festival international. Celui-ci aurait pu être plus « jazz » et moins « pop ». Mais quel festival aujourd’hui n’utilise pas ce joker qui permet d’équilibrer les comptes en attirant des sponsors et du public (les salles étaient toutes copieusement remplies) ?
Cela nous réconforte dans l’idée qu’un festival de jazz, c’est avant toute chose un lieu de rencontres.
Takk Vossa ! À bientôt !
Merci à France Paquay pour le soutien et les photos.
Merci à Georges et Matthieu pour leur présence précieuse.
Merci à l’ensemble de l’équipe Vossa Jazz pour l’accueil.