Jef Neve ‐ T’es pas tout seul, Jef !
Voici un vrai disque à l’Américaine. Sûr que Jef Neve s’est fait plaisir en enregistrant « That Old Feeling ». Entretien avec le pianiste.
Avant de parler de l’album, si on faisait un petit tour de tes derniers projets.
Jef Neve : J’ai beaucoup composé. La dernière grosse pièce que j’ai composée est le « Rain Requiem » que j’ai écrit pour les victimes des inondations en Wallonie. C’est une création pour chœur et orchestre symphonique avec plusieurs solistes sur des textes de David Van Reybrouck, l’écrivain qui a interviewé des victimes. C’est un témoignage très fort, un grand projet d’une pièce de plus d’une heure qui m’a pris beaucoup de temps et d’énergie. Avant cela, j’ai beaucoup tourné avec mon avant-dernier album « Mysterium » avec des souffleurs, trois saxophones, trompette et trombone, et le contrebassiste danois Jasper Holby. Malheureusement, il est sorti pendant le confinement, il n’a pas vraiment pu vivre comme je le voulais. Mais on a tout de même fait pas mal de concerts. J’ai aussi travaillé sur des documentaires. Il y en a un sur le basketteur, Sebastien Bellin, qui a été victime de l’attentat de Zaventem, un document qui s’appelle « Rebel ». Un autre documentaire aussi sur les gens qui arrivent en Belgique et font leur chemin pour commencer à travailler, les difficultés qu’ils rencontrent pour s’adapter, et cela vu par des gens qui sont aussi des migrants. C’est toujours très personnel.
«Madeleine Peyroux a proposé «That Old Feeling», un morceau avec un beau texte qui est aussi une réflexion sur notre première rencontre.»
Comment est né ce nouveau projet ? Et comment l’as-tu conçu ?
J.N. : L’idée est venue de Universal qui m’avait déjà demandé il y a quelques années si je ne voulais pas faire un album avec des chanteurs. Après « Mysterium », j’ai trouvé des idées et ce n’était pas évident… J’ai tout de suite pensé à Madeleine Peyroux que j’avais rencontrée au Gent Jazz il y a quelques années où je jouais son « support act ». On s’est rencontrés backstage avec aussi Bert Joris après le concert, on a beaucoup discuté, bu quelques verres ensemble, ça a été une super belle soirée dont nous avons gardé tous les deux un excellent souvenir, on avait un bon « clic » ! Je l’ai donc appelée en mars 2022, c’était au moment de la réouverture des frontières. J’avais à ce moment-là une tournée au Canada avec le trompettiste Teus Nobel et je savais qu’elle était à New York. Je lui ai donc demandé si elle avait le temps de venir à Montréal pour une session en studio avec moi. Elle a proposé « That Old Feeling ». J’ai tout de suite trouvé que c’était un beau choix, un morceau avec un beau texte, une atmosphère, qui est aussi une réflexion sur notre première rencontre : une soirée chaleureuse, du bon vin et des histoires… Après cette période de confinement, on a besoin de passer des soirées avec des amis… Et l’enregistrement en studio a été un vrai plaisir. Après, on a mangé et bu un bon verre de vin, on était heureux de se revoir ! J’ai tout de suite décidé que « That Old Feeling » serait le titre de l’album et j’ai aussi vu dans quelle direction il fallait aller pour les autres collaborations. C’était parti.
«Le répertoire a été choisi avec chaque chanteuse, chaque chanteur, car il était important que la musique soit très proche d’eux.»
Tu as donc choisi le reste du répertoire et les autres chanteurs et chanteuses.
J.N. : Oui, le répertoire a été choisi avec chaque chanteur et chaque chanteuse, car il était important que la musique soit très proche d’eux, que le morceau ait de l’importance pour chacun d’eux. J’ai choisi « Here’s to Life », c’est un morceau que j’écoute depuis que j’étais étudiant, ça fait vingt-cinq ans, en particulier la version de Shirley Horn avec orchestre symphonique. Et puis j’avais envie depuis longtemps de jouer avec Trijntje Oosterhuis, j’adore sa voix, et ce n’était pas évident de faire une nouvelle version après celle de Shirley Horn. Pour cet arrangement, j’ai choisi de travailler avec un bandonéon et trois saxophones, pour que ce soit un peu mélancolique. Je ne dirais pas atmosphère tango, mais tout de même… C’est une sorte de mélancolie qui me touche.
«La chanson «Cheek to Cheek» est le premier morceau sur lequel nous avons dansé à notre mariage.»
Il y a une grande variété de climats, notamment avec la chanson « Cheek to Cheek » qu’interprète Robin McKelle, très années 30.
J.N. : C’est d’abord un morceau que j’adore, qui me met dans une bonne ambiance quand je l’écoute. C’est un thème que j’ai entendu pour la première fois dans le film « The English Patient », c’est la première fois que je l’ai entendue dans la version originale. C’est aussi le premier morceau sur lequel on a dansé à notre mariage. Je voulais absolument ce titre, avec cette intro qui te met directement sur un bon mood.
Sur « Piece of Clay » avec Monique Harcum, tu joues à la fois du piano acoustique et du Fender.
J.N. : Pour commencer, on a enregistré en studio avec le piano acoustique, basse, batterie plus les souffleurs, mais en réécoutant au mixage, j’ai pensé qu’un solo au Fender Rhodes ajouterait quelque chose, c’est un des rares morceaux où on a ajouté quelque chose après le live.
Il y a beaucoup de diversité dans les line up.
J.N. : Pour le morceau avec Madeleine Peyroux, on a travaillé avec une rythmique canadienne, mais pour le reste, il y a Jens Bouttery à la batterie et Nathan Wouters à la basse. Puis il y a Nicolas Kummert au saxophone, Teus Nobel à la trompette, Andy Dhondt à l’alto, Pieter Kindt au trombone. Et enfin les cordes, ce sont des amis qui viennent de l’Orchestre National, de la Monnaie, des musiciens extraordinaires.
Le dernier titre en piano solo est un clin d’œil à Madeleine Peyroux ?
J.N. : J’imaginais qu’on était tous ensemble dans un bar à vin et après une bonne soirée, j’étais resté le dernier au piano pour donner un petit dessert musical en solo, avec un verre d’un de mes cépages favoris, le Merlot, d’où le titre du morceau.
Jef Neve en concert : Handelsbeurs de Gand le 18 mai, De Roma (Anvers) le 20 mai et Het Depot (Leuven) le 26 mai.
Jef Neve
That Old Feeling
Universal