Robert Hill & Joanne Lediger : Revelation

Robert Hill & Joanne Lediger : Revelation

Autoproduction / CD Baby

De la même manière que des musiciens et chanteurs/euses blanc(he)s sont de plus en plus nombreux à s’imposer dans la musique soul (les blue-eyed singers), on assiste au même phénomène dans le domaine du gospel-blues, à ne pas confondre avec la Christian Music ou White gospel, mièvre et dépourvu de swing, donc de peu d’intérêt pour les fans de musiques africaines-américaines. Hill et Lediger font partie de ces artistes qui proposent du chant religieux très ancré dans la tradition noire, black gospel et blues. Bien sûr, sur le plan vocal, ils ne peuvent rivaliser avec James Cleveland, Mavis Staples, Sam Cooke, Clara Ward, Marion Williams ou Albertina Walker mais certains tiennent leur rang avec panache surtout quand le soutien instrumental est à la hauteur et c’est le cas ici. R. Hill est né à Little Rock, Arkansas et il a vibré très tôt aux sons de Blind Willie Johnson et Son House, il est devenu un tout grand spécialiste de la slide guitare et il a composé pas mal de gospel songs dans la tradition. C’est à New York qu’il a rencontré et formé un duo avec la chanteuse J. Lediger et ce duo est actif depuis plus de 15 ans avec des accompagnateurs fidèles, très soudés (1).

L’intérêt ne faiblit pas du premier au onzième morceau dont six reprises exaltées et exaltantes et cinq compos originales de Hill ; parmi les reprises on a trois superbes versions tirées du répertoire de Blind Willie Johnson à commencer par « John the Revelator » (1930) – repris plus tard par Son House – avec une belle entente de Hill (slide et harmonica) et Lediger avec son chant puissant et décidé puis on a une version décoiffante de « The Soul of a Man » et un « Nobody’s Fault But Mine » dense et poignant ; à noter encore dans cette catégorie un « Samson and Delilah » biblique exaltant sur un shuffle honky tonk irrésistible, chanté par Paulina Hill, fille de Robert ! La cerise sur le gâteau est une version de « Way Down in the Hole » de Tom Waits chanté ici encore par Paulina Hill en duo avec J. Lediger (impeccable comme partout ailleurs), c’est enlevé, jouissif et boosté par la slide de R. Hill (2) ; on n’oubliera pas une version inspirée et pétulante du « Jesus on the Mainline » de Fred McDowell (début des ‘50s). Et il y a les compos de R. Hill comme « Run On » nerveux et fonceur, « Jesus By the Riverside », intense et bien scandé comme « Pay One Way or Another », un « Devil’s Fool » bien enlevé et roboratif, enfin l’exalté « Preacher’s Blues », une de ses compos les plus primées et emblématiques, sa carte de visite. Plaisir garanti de bout en bout, chapeau à Robert Hill, Joanne Lediger et leurs acolytes.

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(1) Paulina Hill chant; Steve Gelfand bass; Frank Pagano dms, percus ; Ed Alstrom Hammond B3.

(2) Version très différente mais aussi exceptionnelle que celle des Blind Boys of Alabama dans le générique de la série TV culte « The Wire »

Robert Sacre