The Black Gospel Ladies : I Walkded Out In Jesus Name 1947-1970

The Black Gospel Ladies : I Walkded Out In Jesus Name 1947-1970

Narro Way ‐ Références catalogue : PN 1610/1611/1612

Encore une production exceptionnelle comme Per Notini, le boss de Narro Way Records (et Gospel Friend Records) en Suède, en a le secret. Ces trois albums rassemblent 83 faces rares, voire inédites, et sont un complément incontournable aux quelques anthologies recommandées et bâties sur le même concept (les Femmes Exceptionnelles du Gospel) que l’on trouve dans le catalogue des collections Frémeaux et Associés (France) (1). Un livret illustré de 29 pages replace d’abord les chanteuses dans le monde très macho du black gospel où elles tiennent la dragée haute aux chanteurs (et aux hiérarchies religieuses sexistes et rétrogrades !), envers et contre tout, malgré les préjugés et des traditions surannées, et ce avec un brio inégalé, avec 83 exemples à l’appui. Ensuite, on peut en apprendre plus sur la biographie des interprètes, quand c’est possible, car les informations manquent parfois partiellement et parfois totalement sur certaines de ces chanteuses. Cela dit, on a ici une cuvée exceptionnelle avec des interprètes talentueuses bien connues des amateurs (Inez Andrews, les Caravans, Mahalia Jackson, Davis Sisters, Wynona Carr, …) mais souvent avec des faces n’ayant pas encore eu l’honneur d’être rééditées et qui pourtant sont des joyaux du genre, avec des chanteuses et groupes également restés sous le radar des producteurs de rééditions et qui, pourtant, étaient auteures de petites merveilles de swing et de mises en place des voix. Hallelujah, chapeau à Per Notini pour son flair et une quête aussi fructueuse. Chaque plage mériterait des commentaires élogieux, mais il est évident que la place manquerait pour ce faire, on se contentera de rappeler à quel point la musique Gospel noire est splendide et addictive, c’est la musique des «good news» (2), le plus souvent festive, joyeuse, optimiste et revigorante, là où le Blues est celle des «bad news» (3); on peut être insensible, voire hostile, aux paroles religieuses, mais nul ne peut rester indifférent au swing endiablé (Oops…!), aux rythmes de boogie-woogie, à la polyphonie et à l’harmonisation incroyable des divers timbres de voix, au dynamisme et à la fougue des interprètes, à leur ferveur, à leur charisme et à leur authenticité. C’est à la fois unique et universel ! On ne peut pas ne pas aimer le Black Gospel en général et celui des femmes en particulier.

On dira quand même que dans les trois albums on retrouve des caractéristiques propres au Black Gospel, comme l’accompagnement très souvent simultané piano + orgue ainsi que des variations du rythme qui passe de phases slow à des phases rapides et, parfois, revient à un rythme slow pour finir. On ajoutera que dans l’album 1, il y a d’excellentes faces comme « A Good Mother to Pray For You » d’Ethel Davenport (avec Huey « Piano » Smith au piano et Eddie « Guitar Slim » Jones à la guitare !!), d’autres ultra rares comme « His Love Bubbles Over In My Soul » (The Ruth Beck Singers), « If It Wasn’t For Jesus » (Madame M. Elizabeth Austin), etc.… et d’autres dont c’est la première apparition sur CD comme « I Found Something » avec Doris Akers, « Will You Know Me » des Angelic Gospel Singers, « It’s Better to Give Than to Receive » et « My Record Will Be There » avec Julia Doyle Bess, « I Had A Dream » de Lottie Bracy (repris aussi sur YouTube !), « Standing in the Safety Zone » de Miss Sammie L. Bryant, etc, etc. Dans les albums n°2 et 3, c’est pareil, à côté d’artistes bien connues (Dionne Warwick et les Drinkard Singers, Mahalia Jackson, Maggie Ingram, Sister Josephine James, Marie Knight (avec deux faces sur CD pour la première fois), Roberta Martin, Sallie Martin, Rosetta Tharpe, Clara Ward, Meditation Singers avec Laura Lee, The Lucy Smith Singers avec un « Every Time I Feel the Spirit » pour la première fois sur CD, Marion Williams, ….), on a, à foison, des chanteuses et groupes talentueux sortis enfin de l’oubli voire d’un anonymat injuste et remis en valeur et à écouter sans délais comme Johnnie H. Franklin & The Saints Gospel Singers, Mary Lee Haynes & The Gore Family, Ella Mitchell & The Gospel All Stars, The Gospel Souls, Alberta Kay Williams, Sister Lillie Mae Littlejohn (avec quatre faces, dont trois sur CD pour la première fois), Spiritual Singers for Christ, Bernice Walker, Evelyn Tyler et pas mal d’autres. On a là le must des musts, illustrant à merveille les étroites connexions entre jazz, blues et gospel… à écouter sans modération. Don’t miss it.

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(1) www.fremeaux.com

(2) ….la vie terrestre est très courte, elle est suivie, pour les Justes, d’une vie éternelle, dans la joie et le bonheur, au Paradis, avec Dieu, Jesus et les Saints, les parents (la mère surtout) et les amis morts avant nous…

(3) « Bad times », mal-être, guerres, catastrophes, maladies, alcoolisme et addiction aux drogues dures, chômage, ségrégation, adultères et ruptures amoureuses, non-accès aux bons logements, aux études, au travail, aux soins, aux droits civiques… Même s’il y a des blues gais et optimistes, ils sont minoritaires, le plus souvent ironiques, dans l’autodérision, et à prendre au second degré (… je ris pour m’empêcher de pleurer…).

Robert Sacre