Dinant Jazz 2023 : on en redemande !

Dinant Jazz 2023 : on en redemande !

Grégoire Maret enflamme et émeut le Dinant Jazz.

En deux soirées de festival, l’harmoniciste parrain a joué son rôle de rassembleur.

Grégoire Maret © Hugo Lefèvre

Peu de pluie le premier soir du Dinant Jazz, c’était de bon augure pour une soirée qui allait se révéler chaude musicalement. Pour sa première apparition sur la scène du jardin de l’abbaye de Leffe, Grégoire Maret avait convoqué la grosse artillerie, un vrai « all stars » : le batteur Greg Hutchinson, le bassiste camerounais Richard Bona et le chanteur-claviériste Frank McComb qui allait monter sur scène en filmant les spectateurs, ambiance ! Avant l’arrivée de ce dernier, l’harmoniciste avait invité le pianiste Christian Sands pour un premier titre tout en finesse. Le climat allait monter en intensité avec McComb qui d’entrée nous servait un solo d’enfer. McComb a la voix de Stevie Wonder et il ne cache pas cette influence sur deux « covers », dont l’implacable « Isn’t She Lovely ». On souffle un coup sur un duo magique harmonica-basse et voix de fausset de Richard Bona, conclu par une touche d’humour: « Il fait beau en Belgique… Juste quelques gouttes de pluie ! » À la fois rythmicien et coloriste, Greg Hutchinson illumine « Rainbow in Your Eyes » de Leon Russell, avant un « Superstition » final d’enfer. Le public était chaud… avant d’être surpris par une drache nationale heureusement après les dernières notes !

Stéphane Mercier Quartet © Hugo Lefèvre

En première partie, le saxophoniste Stéphane Mercier nous présentait « Quantum Stereo », un nouveau quartet international avec les britanniques Jason Rebello, musicien de Sting, et Darren Beckett, batteur de Sinead O’Connor. Excusez du peu ! Et un de nos grands bassistes Nic Thys. Dès l’entame du concert, le groupe joue sur les climats : synthés vaporeux et entrée percutante de Beckett et Thys, le ton est donné, notamment sur un superbe tempo medium qui met en valeur le pianiste. Stéphane Mercier invite l’ami-guitariste Maxime Blésin pour une intro à l’unisson guitare-saxophone. La musique de Mercier se révèle aussi tendre et douce et se laisse aller à l’une ou l’autre citation, « L’amour est enfant de Bohème », avant un final sur une ancienne composition avec Grégoire Maret en invité : « Laugh at Me », on était déjà heureux après cette entrée en matière. Une première soirée enthousiasmante.

Edmar Castañeda, un phénomène de la harpe !

Le parrain du festival a eu le nez fin en invitant le Colombien dans un trio incroyable.

Edmar Castaneda © Hugo Lefèvre

Un festival, ce sont des têtes d’affiche – Dinant n’en manquait pas cette année avec le pianiste Kenny Barron, le saxophoniste Chris Potter et la chanteuse Lizz Wright -, mais aussi des découvertes, et la soirée du samedi nous en a offert une de taille. Grégoire Maret avait invité un harpiste, un choix déconcertant pour beaucoup, mais qui allait se révéler le coup de cœur du festival. Edmar Castañeda est colombien et joue d’une harpe traditionnelle, la llanera, augmentée de clés et autres trouvailles qui transforment le son de l’instrument. Ce qui aurait pu se limiter à une curiosité technique devient entre les mains de Castañeda un terrain de jeu extraordinaire : cordes pincées, frappées, caressées, étouffées, tout est possible sur un répertoire qui croise autant le traditionnel brésilien « Santa Morenha », le « Libertango » de Piazzolla, l’hommage à Jaco Pastorius ou « Hope », une délicieuse ballade de Grégoire Maret. La llanera sonne selon les morceaux comme une kora africaine, un koto japonais, une basse ou une guitare, en restant constamment d’une musicalité, d’une intensité ou d’un lyrisme confondant. Ajoutez-y le piano étincelant de Christian Sands, le sourire de Castañeda, et le public est debout, enthousiaste et conscient d’avoir vécu l’événement du festival.

Kenny Barron © Hugo Lefèvre

La star du samedi, c’était Kenny Barron, un des pianistes majeurs de ces trente dernières années, et son trio a répondu à l’attente : mélange de compositions personnelles, d’une touche brésilienne avec Caetano Veloso, et de standards – comme « Body and Soul » où il invite Grégoire Maret décidément dans tous les bons coups ! Avec une rythmique solide, Barron fait le job avec toute sa maîtrise de l’instrument; le public apprécie, applaudit, en redemande, mais reste sous le choc du concert précédent qui restera dans les annales du festival. Tout le public signe en tout cas à deux mains pour une pareille édition en 2024.

Merci à Hugo Lefèvre pour les photos.

Jean-Pierre Goffin