Kris Defoort & Veronika Harcsa : Pieces of Peace
Méfiez-vous, cette musique ne vous laissera pas une seconde tranquille. Même si le premier thème vous met en confiance, la suite a tout pour vous faire perdre vos repères. Dans l’écriture, comme dans la performance de ses compositions, Kris Defoort fait référence à la musique du début du XXe autant qu’à la musique contemporaine, au jazz, à l’opéra ou au rock. Il refuse les cases et abhorre les frontières (il n’en est pas à son coup d’essai : replongez-vous dans « The Woman Who Walked Into Doors », par exemple). Dans ce « Pieces of Peace », il s’est entouré d’une équipe éclectique dont l’éblouissante et déconcertante chanteuse hongroise, Veronika Harcsa, capable d’acrobaties vocales hors normes, ainsi que de Benjamin Sauzereau (autre électron libre de la scène jazz) à la guitare, Lode Vercampt au violoncelle et Jean-Philippe Poncin aux clarinettes.
« Pieces of Peace » tente de démontrer que la paix est une affaire de combat. Qu’elle ne se gagne jamais à l’avance. Qu’elle se consolide pièce par pièce. D’abord, des cordes de violoncelle qui se tordent comme les nerfs avant une entrée en scène, soudain une guitare qui déboule sans crier gare et explose en un riff puissant. Veronika Harcsa chante, murmure, suffoque et continue dans son chemin entre les cordes, tandis que le piano, qui semble d’abord interloqué, cherche l’apaisement. Puis, c’est l’inquiétude et la folie qui se ressentent dans le sourire crispé de « Smile ». C’est une course à l’impossible bonheur, haletante et tournoyante dans « Silence & Joy ». C’est un sentiment diffus, un semblant d’espoir dans « Hope – Is the Thing With Feathers ». Et lorsque l’on pense que la tempête est passée, les esprits continuent à nous chatouiller et à nous troubler. Reste alors une pointe de mélancolie.
Cet album est un moment dans le cycle d’une vie.
Construction, démolition, reconstruction. End.
Disque inclassable et hors du commun. Disque éblouissant.