Hein Westgaard Trio : First as Farce
Le rédac’ chef m’a tendu le disque en me signifiant : « Ça c’est pour toi ! ». J’ai maté d’un œil rapide la pochette dont la photo m’est apparue instantanément glauque : instantané d’un visage flouté, chevelu, grossi, à la denture prédominante. Le titre n’était guère plus engageant, une phrase énigmatique, louche. Ce Hein Westgaard je n’en avais jamais entendu parler, jamais entendu le moindre son. Voilà que je pose le disque dans le lecteur et que je suis comme pour dire… saisi, saisi à l’oreille. La guitare règne, régit. C’est une suite d’accords incisifs, triturés, torturés même, qui se mettent à tournoyer dans l’air du salon. Au point de faire filer le chat dans une autre pièce. Un croisement entre jazz intrépide, country dévoyé/dérouté et math rock bipolaire, le tout mâtiné de quelques relents beefheartiens. Je kiffe. J’y tends l’oreille de plus près, j’investigue, j’indague. Pour épauler notre Herr Hein se tiennent à ses côtés un contrebassiste et un batteur, tous deux aux patronymes imprononçables : Asbjørnsen et Forchhammer. Bigre ! Ces gars-là ont parcouru moult fjords, foulé de grandes et petites scènes scandinaves. Ce disque est le bristol qu’ils nous tendent d’une poignée de main chaleureuse. Douze vignettes qui se collent, se serrent les unes sur les autres. Avec des phrases bien barrées comme ce final « Whatever Happened to the Giant Hovercraft SR-N4 ? » que je cite volontairement in extenso, histoire de vous donner une idée de l’endroit où ils perchent. Une farce ? Pas si sûr.