The Duke in Liège à l’OPRL (Liège, 15/12/23)
Le jazz et la grande salle du Conservatoire de Liège, c’est une longue histoire déjà : citons de mémoire Errol Garner, Michel Petrucciani, Sonny Rollins, Michel Portal et Richard Galliano, la création de Steve Houben + Strings, ou encore en janvier 1975, l’hommage au guitariste liégeois René Thomas décédé en Espagne et pour lequel se sont réunis sur cette scène Johnny Griffin, Art Taylor, Christian Escoudé, Kenny Clarke, Aldo Romano, Jimmy Gourley et bien d’autres autour des musiciens de la scène belge. Plus récemment, nous avons relaté le magnifique concert d’Avishai Cohen en trio accompagné par l’OPRL.
L’atmosphère est festive ce 15 décembre à l’OPRL : après le gospel l’an passé, c’est Duke Ellington qui est mis à l’honneur cette fois avec un programme original qui, évitant les grands « hits » du « Washingtonian », lui rend hommage à travers ses œuvres moins connues et inspirées par une écriture plus classique : la suite « Black, Brown and Beige » en ouverture, suivie de « Harlem », de « Three Black Kings » après la pause et « The Nutcracker Suite » en clôture.
Adapté pour grand orchestre symphonique par Maurice Peress, « Black, Brown and Beige » s’ouvre sur des éléments décoratifs qui évoquent les rythmes d’Afrique, par les timbales et autres percussions, dont la batterie jazz de Mimi Verderame très présente du début à la fin du concert. Car pour l’occasion, deux « vrais » jazzmen ont été incorporés à l’orchestre : aux côtés du batteur, on apprécie toutes les nuances apportées par Sam Gerstmans à la contrebasse – on notera la remarquable acoustique qui fait qu’on ne perdra pas une note jouée par fils d’un ex-alto de l’orchestre. L’arrangement de « Come Sunday », le passage le plus connu de la suite à la belle mélodie, souffre un peu à mon goût de pléthore de cordes qui en éclipse le côté gospel.
La promenade dans « Harlem » est une vraie réussite du compositeur dont l’orchestre rend à merveille les couleurs africaines, antillaises, hispanisantes avec leur côté énergique et dansant. Une promenade dans le quartier multiculturel de New York dont les trompettes et trombones reflètent l’atmosphère par les effets de growl et de sourdines. La première partie s’achève dans une ambiance décontractée avec un chef, Clark Rundell, à la verve et l’humour plus britannique qu’américain, qui invitera à applaudir les solistes entre chaque mouvement.
« Three Black Kings » est une œuvre inachevée du Duke, mais terminée à sa demande par son fils Mercer Ellington (qui fera vivre l’orchestre de son père durant de nombreuses années encore). L’œuvre que je ne connaissais pas m’est apparue un peu décousue par le contraste entre la partie centrale aux cordes proches d’une variété de mauvais goût – sans doute inspirée d’un style « grand public » initié par Paul Whiteman – et le final aux percussions variées.
« The Nutcracker Suite » inspirée par le ballet de Tchaikowsky « Casse-Noisette » clôture le concert avec toute la verve et le dynamisme d’une adaptation ellingtonienne très festive et joyeuse, Clark Rundell invitant même le public à s’exprimer par quelques pas de danse. Dans un répertoire peu conventionnel, l’Orchestre Philharmonique de Liège a une nouvelle fois démontré toute sa souplesse et sa faculté à faire vibrer le public.
Merci à Anthony Dehez pour les photos.