Christophe Delbrouck : Fleetwood Mac

Christophe Delbrouck : Fleetwood Mac

Ce groupe est assurément l’un des plus importants de l’histoire du rock et de la culture pop, mais avec des racines profondes dans le blues et le R&B, voire la soul. Il méritait largement une biographie en français et son auteur a fait un travail remarquable avec une recherche approfondie des tenants et aboutissants de l’odyssée hors du commun de ce groupe mythique qui démarra au cœur du Blues Revival des années 1960 avec Mick Fleetwood et se poursuivit avec John et Christine (Perfect) McVie et le couple Lindsay Buckingham/Stevie Nicks, sans oublier les guitaristes, géniaux mais maudits, Peter Green, Danny Kirwan et Jeremy Spencer; ils connaîtront un succès phénoménal en 1977 avec l’album « Rumours », suivi d’autres opus mémorables entre 1980 et 2000. Une aventure semée d’embûches : escroqueries du business, crises mystiques et conflits amoureux. Avec pertinence, l’auteur distingue cinq époques (de huit épisodes chacune, sauf la cinquième – quatre épisodes – dont l’épilogue) dans l’histoire mouvementée du groupe.

La première (1947-1970) va de la naissance de Michael dit « Mick » Fleetwood en 1947 et sa vocation musicale (drums, percus) jusqu’à sa rencontre et son amitié indéfectible avec John McVie (basse, guitare) en 1965 (John venait des Housebreakers de John Mayall) dans le Swingin’ London, de ses échanges avec le gratin des musiciens anglais Blues/R&B de l’époque : Eric Clapton, Brian Jones, Mick Jagger, Bill Wyman, Eric Burdon & The Animals et bien d’autres, de son association avec Peter Green (gt, compos) en un groupe que ce dernier baptise Fleetwood Mac (pour Mick et McVie) ! Ils sont rejoints ensuite par Jeremy Spencer (vo, p, gt) en 1967 et Danny Kirwan (gt) peu après. Du blues pur et dur, le groupe passe progressivement à la pop psychédélique puis au folk-rock, au blues-rock et même au hard-rock en 1969. Le succès ira en s’amplifiant, les tournées vont s’enchaîner (USA, Europe…) et les albums aussi, mais le fanatisme religieux et la folie suicidaire de Green boostés par les drogues (LSD…) iront en grandissant et il devra abandonner le groupe. Kirwan est de plus en plus instable, en proie à une paranoïa destructrice et à une dépression abyssale. Cette période s’achève, fin 1969, avec la sortie d’un double album phare pour les amateurs de blues : « Blues Jam at Chess », Fleetwood Mac y joue avec Otis Spann, J.T. Brown, Walter Horton,Willie Dixon, Buddy Guy, Honeyboy Edwards etc, mais c’est vite de l’histoire ancienne !

La deuxième époque (1970-1975) salue l’arrivée en force, après des participations occasionnelles, de Christine Perfect (p, compos) ex-Chicken Shack et aussi de Bob Welch, Dave Walker, Bob Weston; les albums se suivent et les tournées US et européennes s’enchaînent sans répit, sans pauses, au détriment de la santé physique et mentale des membres du groupe et les dissensions internes vont en croissant tandis que le répertoire évolue vers le rock progressif et le country-rock. Kirwan, Walker et Weston sont virés et la survie du groupe est en danger, d’autant plus que le manager Clifford Davis fait tourner en 1974 un groupe fantoche, The New Fleetwood Mac, rapidement rejeté par le public et la critique. Mick Fleetwood reprend la main avec Welsh et McVie pour sauver le groupe.

Dans les troisième (1975-1980), quatrième (1980-1995) et cinquième époques (1995-2023), l’auteur y poursuit consciencieusement et avec minutie la saga du groupe avec, comme précédemment, un luxe inouï de détails nourris de hauts et de bas incessants jusqu’à la fin définitive du groupe, des septuagénaires alors, le 30 novembre 2022 avec le décès de Christine Perfect McVie. En résumé, cela donne le départ de Welch fin 1974 et l’arrivée en 1975 de Stéphanie « Stevie » Nicks (vo, p) et de Lindsay Buckingham (gt, bjo,…); il s’ensuit des problèmes de couples entre John et Christine McVie, entre Mick et sa femme Jenny, et même, entre Stevie et Lindsay ! 1976 voit la réconciliation temporaire des couples et le retour d’un succès fracassant avec une consécration sans précédent de l’album « Rumours » qui témoigne de la force collective du groupe et de l’harmonie qui règne pour un temps parmi les cinq protagonistes principaux (Mick, John, Christine, Linsdsay, Stevie).

Ensuite, les disputes et les départs reprennent malgré le succès des tournées et des albums « Fleetwood Mac Live (1980), « Mirages » (1982), « Tango in the Night » (1987), … Cette période est marquée par une multitude de projets individuels avec d’autres partenaires, puis c’est le départ fracassant de Lindsay Buckingham qui plombe la tournée suivant le succès de « Tango in the Night ». Lindsay est remplacé par Rick Vito et Danny Burnette, mais cela ne marche pas. Christine et Stevie renoncent aux tournées et sont remplacées par Bekka Bramlett, mais l’album « Time » (1995) est un échec retentissant. En 1996, Lindsay, Christine et Stevie reviennent pour célébrer les 20 ans de « Rumours » et c’est reparti pour la gloire. On les appelle maintenant The Rumours Five (Mick, Christine, Stevie, Lindsay, John) et leur nouvel album, « The Dance », remporte un succès mondial. Les turbulences sont loin d’être finies, mais fin 2000, à l’invitation d’Hillary Clinton, les Rumours Five viennent à la Maison-Blanche pour la deuxième fois et rendent hommage au Président Clinton, en fin de mandat. C’est le calme après les tempêtes. En 2015, les quasi-septuagénaires ont soif de calme et de repos (Lindsay a 66 ans, Stevie 67, Mick 68, John 70 et Christine 72). Il y a encore quelques tournées, sans Christine qui meurt en novembre 2022, et le groupe n’y survivra pas.

Il n’y a pas de bibliographie classique. Elle est remplacée par bon nombre de notes citant les sources des anecdotes et faits rapportés, des déclarations et interviews de tous les membres du groupe dans toute une série de publications. Quant à l’iconographie, elle est sommaire et consiste seulement en la reproduction d’une vingtaine de couvertures d’albums (rectos, versos) avec trop peu de photos des membres de Fleetwood Mac. Auteur et éditeur ont sans doute été confrontés à des demandes exorbitantes de la part des ayants droit, mais c’est dommage, on eut souhaité (re)voir des photos des musicien(ne)s dans leur vie privée et aussi en concert et en studio. Par contre, la discographie est exhaustive avec les albums originaux (1968- 2013) et les rééditions et versions de luxe (1999- 2021) avec la liste de tous les titres. Une belle épopée racontée avec gusto et qui se lit comme un thriller tant il y a de retournements de situations et de suspense.

Christophe Delbrouck
Fleetwood Mac
Éditions du Layeur

24 €
ISBN : 978-2-38378-039-7
320 pages

Robert Sacre