Stéphane Orlando : Seuls
Un fauteuil confortable, un casque aux oreilles, les yeux fermés. Une légère pression du pouce, et un rai d’infrarouge lance « Seuls » de Stéphane Orlando. Vous voilà aspiré dans le calme vortex où deux âmes, celle du classique et celle du jazz, s’attendent, s’entendent, s’atteignent, s’évitent, se conjuguent. Ne vous interposez pas dans leurs ébats, laissez simplement, comme des ectoplasmes, naître et mourir les images, en noir et blanc de préférence, que génère ce ballet. Et vous ne serez plus seul. Vous serez plusieurs dans votre tête à gamberger, à rêver. Stéphane Orlando est un compositeur namurois que le jazz inspire, résident de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège (OPRL). Ce lien www.larsenmag.be vous fera apprécier la personne et celui-ci stephaneorlando.com son œuvre. Il a créé la musique de cet opus, en quatre parties, pour un spectacle audiovisuel sur des photographies noir et blanc de Laurent Thurin-Nal. Deux duos d’instrumentistes s’y confrontent : l’un, nourri au classique, d’un violoncelliste (Sébastien Walnier) et d’une pianiste (Sara Picavet), l’autre, nourri au jazz, d’un contrebassiste (Daniele Cappucci) et d’un batteur (Antonio Fusco). Stéphane sous-titre sans ambiguïté sa pièce « Compositions in black and white ».
Une des pages de la sombre mais sobre pochette nous initie à ce rituel onirique : comment concilier les personnalités multiples qui s’agitent dans une même tête ? Non sans malice, les trois premiers mouvements s’intitulent respectivement : « 1° Doubles – Troubles de la Personnalité Multiple (TPM) » / « 2° Troubles – Personnalité aux Multiples Troubles (PMT) » / « 3° Dédoubles – Multiples Personnalités Troublées (MPT) », un tertio qui déboule en trombe à la fin du deuxième, faisant taire sans ménagement les langueurs du violoncelle pour laisser à chaque instrument la liberté d’exploser. Tout un programme ! Et comme pour résumer celui-ci, le dernier mouvement confie au violoncelle et au piano le soin d’animer, comme une musique de cinéma muet, le court métrage en photomontage de Laurent Thurin-Nal « Yaliz », mot turc qui signifie solitaire. Le rôle d’accompagnement sonore de cette quatrième page laisse à désirer les images, certes, mais on ne peut le lui reprocher, c’est ce qu’on attend d’elle. Dès lors, rendez-vous sur https://stephaneorlando.com/portfolio/screening-concert/ et scrollez jusqu’au bas de la page, vous pourrez y apprécier le film complet.
La musique de Stéphane Orlando, bien qu’ étrange à nos oreilles tonales et nos métriques comptables, se laisse déguster à loisir, sans effort fastidieux d’accommodation. Ses sonorités sont à l’œuvre ce que les saveurs sont à la gastronomie. Et il s’agit ici, en ce qui me concerne, d’un 3 étoiles.