Rosanna Gunnarson – Karin Johansson : I grunda vikar är bottnarna mjuka
Alors que s’égrènent les derniers jours de mai, il est devenu évident qu’il n’y aurait pas de printemps digne de ce nom. La pluie succède à la pluie, immerge chaque journée, les cantonne dans d’infinies nuances de gris. S. et moi avons pris l’absurde décision de pousser plus loin le vice. Une escapade de quelques jours au bord de la mer Baltique. Elle a délaissé son salon de massage, moi les prétoires pour nous rapprocher plus encore des ondées, des flots. Le cabanon de pêcheur que nous occupons, accroché à un rocher perdu quelque part en Lila Vik et Stora Ålö, abrite nos singuliers colloques. Nous nous découvrons elle et moi tout en restant couverts. Les lieux sont couleurs de noyade, les cieux capricieux. Il n’y a entre nous aucun transport charnel mais une sensualité indicible, sourde préside à nos soirées terminées sur un vieux canapé. Il ne se passera rien, car tout est, dès maintenant, passé. L’histoire est déjà achevée avant même d’avoir débuté. L’impression de figurer dans un film de Bergman sans avoir à en narrer les dialogues. D’étranges sons nous parviennent du dehors. On dirait des notes confuses d’un piano immergé. Ils se mêlent au ressac, à la respiration de la mer. Le flux, le reflux constant, perpétuel comme un mouvement universel. Une putain de grande mer argentée déchaînée. Au loin, quelques lumières se dessinent, se devinent, se détachent de la baie. Je pourrais mourir ici. D’un long plongeon dans les eaux glacées, une immersion profonde, emportant malgré moi l’image de S., altière, dérobée, saisie sur le vif dans son insaisissable beauté.