Jazz Artists Guild : Newport Rebels
En 1960, le Festival de Newport est à son apogée. Un peu trop aux yeux de certains qui estiment que l’événement a pris une tournure exagérément commerciale. Charles Mingus et Max Roach vont fédérer autour d’eux plusieurs musiciens pour monter leur propre festival off qui se tiendra à quelques encablures, à Cliff Walk, dans un vieux manoir entouré d’une vaste prairie donnant sur l’océan. Ces « rebelles » en prennent en charge l’organisation et sont sur le terrain affairés à vendre les tickets, planter les tentes et assurer le bon déroulement des concerts. Sous une bannière dont le nom évoque les guildes professionnelles anciennes, le Jazz Artists Guild est à la fois une aventure musicale, sociale et politique. A Mingus et Roach, se joignent Eric Dolphy, Roy Eldridge (qui est au départ quelque peu hésitant), Jo Jones et quelques autres. A l’automne, ils s’en retournent à New York pour enregistrer en studio le fruit de leur session. « Newport Rebels » ne restitue certes pas l’ambiance live du Cliff Walk Manor mais il en distille l’esprit. Le titre emblématique « Cliff Walk » aligne deux batteurs tout en restituant la stéréo dans son sens le plus direct : Jo Jones est à gauche, Max tend vers la droite ! Enregistré sur deux journées avec le noyau des protagonistes, il convie la chanteuse Abbey Lincoln, le pianiste Kenny Dorham, le trompettiste Benny Bailey et le bassiste John « Peck » » Morrison sur un « Taint’t Nobody’s Buzness If I Do », une chanson traditionnelle qui, dans cette présente version, assume de manière flamboyante son côté militantiste et fier. Pour l’histoire, Lincoln allait par la suite devenir l’épouse de Max Roach… Heureux témoignage d’une époque révolue, cet album demeure contemporain dans son art de se jouer de la fugue.