Carlos Barretto : Lonely Dog
La basse peine à se défaire de l’image d’instrument d’accompagnement qui lui colle au corps. Comme si elle était vouée, condamnée à rester enfermée, enferrée dans ce rôle subalterne que l’histoire de la musique lui assigne. Des bassistes chevronnés tels Jaco Pastorius ou Charlie Haden ont depuis longtemps démenti ce cliché, démontrant avec brio qu’une basse à elle seule valait bien une guitare. Plus proche géographiquement et dans le temps, il est arrivé à Michel Hatzigeorgiou de donner des concerts en solitaire devant un public souvent médusé tant il parvenait à démultiplier les possibilités de son instrument. Carlos Barretto s’inscrit dans cette démarche qui consiste à donner à la basse une place de choix, et, pour tout dire, régnante. A la fois contrebassiste et compositeur, ce Lisboète approche aujourd’hui de la septantaine. Il a joué avec une multitude de musiciens dont des pointures comme Steve Lacy, Lee Konitz, Louis Sclavis, Richard Galliano, Daniel Garcia et d’autres moins célèbres, à la fois sur les scènes portugaises et hors frontières. Accolant, en caractères majuscules, le terme ‘solo’ à son nom, il prévient d’emblée l’auditeur de ce dont il s’agit. Le disque est concis, 26 minutes à peine pour sept compositions assez courtes. Parfois, c’est l’archet qu’il privilégie, parfois c’est son jeu de doigts que l’on devine musclé et entêtant. La prise de son est des plus naturelles. On entend à plusieurs reprises Barretto reprendre son souffle, ses doigts glisser, pincer les cordes, son poignet ajuster l’archet. Sans doute l’enregistrement est-il lui-même mis en relief par le fait que Barretto joue sur une contrebasse Paul Claudot qui date de… 1850. Le magnifique “Mother Echoes” avec ses réminiscences sereines de Bach et la plage éponyme “Lonely Dog” en clôture sont assurément les deux compositions phares de cet album dont on regrette qu’il ne se prolonge pas d’une quinzaine de minutes de plus.