Tournai Jazz 2024 (25 au 30/06/24)

Tournai Jazz 2024 (25 au 30/06/24)

Typh Barrow © JC Thibaut

Le Tournai Jazz Festival en était à sa onzième édition. Après avoir « testé » différentes formules et différents endroits à différentes saisons, ce festival très convivial et qui tient à proposer un éventail de jazz(s) a planté son chapiteau à deux pas de la Maison de la Culture (dont il a aussi occupé les scènes) durant la dernière semaine de juin.

Mercredi 26 juin

Typh Barrow en est à son deuxième concert du festival (le premier a été sold out en quelques heures et un second a donc été ajouté, la veille, pour satisfaire l’appétit du public). La présence d’une chanteuse classée « pop » dans un festival de jazz s’est rapidement justifiée. Rappelons que Typh a fait ses classes dans le milieu du jazz et a principalement été entourée de jazzeux. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui l’accompagnent ce soir (Felix Zurstrassen, Guillaume Vierset, Fabio Zamagni et Hervé Noirot) en promettant, en plus, une formule spécifique complètement réarrangée jazz pour le festival. Surprise supplémentaire, Typh Barrow s’étant cassé le bras quelques jours plus tôt – mais tenant absolument à honorer son engagement – ne joue pas de piano et se « contente » de chanter. Mais quel chant ! Grâce à sa voix grave et légèrement éraillée, qui définit toute son identité, elle amène naturellement un côté soul et blues dans ses compos personnelles et ses reprises.

Elle a aussi le sens de la mise en scène et les musiciens arrivent les uns après les autres, chanson après chanson, tout comme ils repartiront les uns derrière les autres en fin de concert. Et voilà le band qui reprend « I Want You » façon Randy Newman, et ses autres succès sous forme de medley groovy ( « Taboo », « No Diggity »…) puis quelque standards (« The Girl From Ipanema », « Georgia »…). Après avoir laissé son groupe jammer, elle se retrouve dans la salle, au milieu du public qu’elle enflamme de plus belle. Empathique, généreuse, rayonnante et souriante, Typh Barrow a conquis tout le monde et a démontré qu’elle avait bien sa place dans ce festival de jazz.

DeadJazz © JC Thibaut

Malgré l’heure tardive (22h30 un mercredi soir), le Paradiso, ex Magic Mirrors, est encore très bien rempli pour écouter le DeadJazz des Frères Belmondo. Depuis des années, sur les routes qui les mènent aux quatre coins du monde, cette bande d’amis écoutait le Greatful Dead que leur passait en boucle leur producteur. L’idée de reprendre le répertoire de ce groupe mythique a fini logiquement par voir le jour. Lionel et Stéphane Belmondo, entourés de Laurent Fickelson, Eric Legnini, Thomas Bramerie et Dré Pallemaerts présentent donc le double album paru début avril de cette année chez B Flat Recordings.

La température (car il faisait caniculaire ce jour-là) est un peu redescendue mais le groupe l’a fait vite remonter avec ce jazz aux effluves prog rock psyché et au groove lancinant. Il n’a pas fallu attendre les trois premières mesures de « Dark Star » pour que tout s’emballe. Chacun s’amuse et se donne à fond. Une ambiance churchy et des sons vintages de claviers se mêlent à la trompette claquante, au sax mystique ou rauque et parfois nerveux, ainsi qu’à la basse et au drumming enveloppant. Ce groupe est fait pour la scène et la musique intemporelle vous prend aux tripes puis à la tête. « Bird Song » « China Cat Flower» ou encore « Blues For Allah » prennent une dimension cosmique. Pour un instant, on serait cru en ’69 au festival d’Amougies (on n’est qu’à quelques kilomètres). Soprano incandescent, claviers explosifs, impros au bugle et une rythmique toujours haletante, même dans les ballades, c’est un « carton plein ». Jazz is not dead.

Vendredi 28 juin

Je fais l’impasse sur la journée de jeudi et je suis de retour sur le site le vendredi 28 pour le concert de Dee Dee Bridgewater qui a fini par céder à l’invitation que le programmateur Geoffrey Bernard lui lançait depuis dix ans. Ce dernier n’aura pas été déçu et le public non plus. La diva est en très grande forme. Son répertoire est résolument engagé et le nom de son groupe de filles est d’ailleurs assez explicite : « We Exist » (référence aussi au « We Insist » de Max Roach). La voilà donc rayonnante, déterminée et toujours aussi bavarde. Mais elle a tellement envie d’alerter l’opinion sur les droits civiques, le racisme, le combat des femmes ainsi que de revenir sur son choc de 2007, lorsqu’elle a ressenti ses véritables racines africaines en se rendant au Mali (ce qui a pas mal « objectivé » son répertoire par la suite) que l’on boit ses paroles.

Dee Dee Bridgewater © Serge Braem

Et on vibre aux sons de « People Make the World Round » ou du puissant « The Danger Zone ». Elle s’amuse et elle jazze méchamment avec ses excellentes complices qu’elle va, tour à tour, provoquer. L’excellente Evita Polidoro n’en demande pas tant et répond avec vigueur avant de se laisser emporter par des dialogues musclés avec Carmen Staaf, excellente pianiste et directrice artistique du projet. Dee Dee est soutenue aussi par le groove solide de Amina Scott (eb, cb) sur le poignant « Foot Print/Long Time Ago », entre autres. Il y aura encore du Nina Simone (« Mississippi Goddam », « Four Women »), du Billie Holiday (« Strange Fruit ») ou encore « Spain » de Chick Corea. Puissance, émotion, sincérité et passion, Dee Dee était dans un très grand jour et, en rappel, se moquant gentiment de l’accent français, elle offre un « My Favorite Things » mutin et optimiste.

Quentin Dujardin Quartet © JC Thibaut

Dans un autre registre tout aussi brillant et sous le chapiteau du Paradiso, Quentin Dujardin, entouré de Didier Laloy (acc), Nicolas Fiszman (eb) et Manu Katché (dm), a tôt fait d’embarquer le public dans son répertoire où élégance et finesse riment avec force et détermination. Quentin a le don de s’adapter à tous les styles et de les marquer de sa personnalité. Sa prise de guitare est classique, il en a deux à disposition, différemment accordées, sur lesquelles il mélange cordes métal et nylon. Il fusionne ainsi le baroque, le jazz, la folk, le romantisme ou les tarentelles qui ne manquent jamais d’émotion.

Laloy oscille entre les Balkans et la Méditerranée. Il joue les attaques virevoltantes ou délivre les nappes atmosphériques. Manu Katché ne frappe jamais deux fois de la même façon. Son jeu foisonnant est varié, subtil et évite la démonstration. Il laisse respirer les silences. Quant à Nicolas Fiszman, toujours aussi discret, mais pas moins indispensable, il dose ses interventions avec beaucoup d’à-propos, toujours utile, jamais dans la surenchère, même quand on lui laisse la place pour dialoguer avec Laloy. S’il y a de la virtuosité, il y a surtout énormément de poésie dans des arrangements sophistiqués de Dujardin, mais tout est tellement « accessible » ! La mélancolie de « Aimé » ou de « Les Avins sous le vent » se mêle au feu réjouissant de « Madagascar » ou encore de « Blues for M & N ». Concert idéal pour quitter le site avec autant d’étoiles dans les oreilles qu’il y en a dans le ciel.

Samedi 29 juin

Samedi est la journée la plus chargée du week-end. Il est encore tôt lorsque Vetex (que je n’ai pas l’occasion de voir, mais dont on m’a dit beaucoup de bien) se produit sur scène. Et il n’est pas plus tard que quatorze heures lorsque Next.Ape (un peu remanié : c’est Julie Rens qui a la lourde tâche de remplacer Veronika Harcsa, tandis que Cédric Raymond a dû déclarer forfait en dernière minute) monte sur la scène d’un chapiteau dans la fournaise. Le projet d’Antoine Pierre est toujours – et de plus en plus – pertinent lorsqu’il mélange avec force jazz improvisé, rock et électro. Julie Rens, voix légèrement voilée, aux intonations « à la Beth Gibbons », exprime un esprit différent au groupe. Jérôme Klein endosse un double rôle, en s’occupant à la fois des lignes de basse et des mélodies. Lorenzo Di Maio est incisif – et décisif – et le dialogue avec le drummer est télépathique. Avouons cependant que la prestation manquait, cette fois-ci, d’un peu de la folie, de l’extravagance et des surprises auxquelles Next.Ape nous avait habitués. Ce n’est que partie remise, c’est certain.

Anne Paceo © Olivier Lestoquoit

On se retrouve dans la grand salle de la Maison de la Culture où Anne Paceo nous attend avec son projet S.H.A.M.A.N.E.S.. Plongé dans la pénombre, le groupe se révèle petit à petit avec une musique qui invoque les esprits, appelle les ancêtres, ravive l’âme. C’est un appel à la sagesse dont le monde a bien besoin. « Healing » et ses chants mystérieux ouvrent la voie à « Piel ». Mais sagesse ne veut pas seulement dire douceur, cela veut aussi dire combat, réaction ou même révolte. C’est tout le discours du projet que Paceo explique en quelques mots bien choisis. La batteuse est entourée de deux extraordinaires chanteuses : Isabelle Sörloing et Cynthia Abraham. Deux timbres distincts aux inflexions différentes qui se marient à merveille. Oui, les différences sont une force. Passant du ténor au soprano, Christophe Panzani ondoie, serpente entre les cadences feutrées de Paceo et les lignes parfois tranchantes de Tony Paeleman à la guitare. Une sorte de respiration collective s’impose dans toute la salle qui, au fur et à mesure, « rentre » dans cet univers magnétique. Chaque composition est riche, profonde, mouvante. Elles tiennent le public en haleine qui en oublierait presque d’applaudir tellement il est sous hypnose. Mais il se lève vite et se libère totalement pour saluer cette magnifique prestation. Il accompagne même, en rappel, un « Travellers » chanté a capella par le groupe. Magique. Très gros coup de cœur !

Itamar Borochov © Serge Braem

Echoes of Zoo © Serge Braem

Le coup de cœur du programmateur, quant à lui, était dédié à Itamar Borochov, même si « chaque invitation d’artistes se fait avec des coups de cœur », précisera-t-il. En trio, le trompettiste israélien mêle ornementations orientales en quarts de ton (qui rappellent un certain Maalouf) à un jazz mélodique assez influencé par la jeune scène new-yorkaise. Contrairement à celui de son excellent album, le son de la trompette est ici un peu trop tranchant, parfois proche d’une clarinette. On perd alors un peu de chaleur et de profondeur. La douceur et la poésie en sont parfois un peu affectées. Les morceaux sont construits principalement autour de motifs répétitifs et lorsque l’on sort d’un concert exceptionnel comme celui de Paceo, on lui trouve parfois un manque de nuances. Cependant, au fil du temps, Itamar, qui chante également – et prie en même temps – amène son public à le suivre, notamment avec « Ya Sahbi » ou « Bayat Blues » dans lesquels le pianiste Rob Clearfield démontre toute sa fougue.

Une belle grosse pluie passagère pousse les gens à s’abriter sous les tonnelles un peu éloignées de la scène extérieure. Echoes of Zoo y met tout son cœur et son énergie pour les attirer plus près. Et ça marche. Le jazz musclé, nourri au rock et aux musiques indiennes booste les spectateurs… et fait cesser l’averse. Les riffs de guitare de Bart Vervaeck, répondent aux impulsions continues du sax de Nathan Daems. Le dialogue est vif et impétueux. Il est attisé en plus par la basse galopante de Lieven Van Pée et le drumming puissant de Falk Schrauwen. Les légères saturations et quelques delays se mêlent au groove et aux pulsations de danses tribales. C’est joyeux, nerveux, énergique, ludique… profond et engagé à la fois. Excellent moment.

Avishai Cohen Trio © Olivier Lestoquoit

Thomas Leleux © Serge Braem

Autre excellent moment que nous offre le trio du bassiste Avishai Cohen dans la grande salle pleine à craquer. Particulièrement en forme ce soir et toujours aussi généreux, le trio est très rapproché les uns des autres. Avishai, Roni Kaspi et Guy Moskovitch jouent « compact ». Tout est tendu. L’entrée se fait sur un tempo élevé mais très nuancé. Les attaques franches et précises de Roni Kaspi n’empêchent pas les enchaînements d’accords éblouissants du pianiste. Les échanges sont vifs, ouverts aux impros spontanées. Avishai danse avec sa basse, joue avec elle sur tout son corps et ses cordes. Ça swingue autant que ça groove. « Shifting Sands », « Videogame » et autres titres prennent de l’ampleur. Le son est profond et chaud. La cohésion est parfaite et la tension toujours maintenue, même dans les rares ballades, comme « Below ». Cohen est affable et heureux malgré un visage qui semble toujours fermé. Il chante aussi « I Pray for Courage » de Leonard Cohen. Il communique peu, mais sincèrement et brièvement avec le public qui lui propose de reprendre « Alfonsina ». Et le trio de s’exécuter aussitôt. Osmose. Concert parfait et d’une rare intensité. Standing ovation inévitable.

Pour finir cette longue journée, le tubiste virtuose français, Thomas Leleux, promettait un bouquet final. Le Paradiso n’a pas désempli mais la prestation nous a laissés un peu sur notre faim. « The Outsider », titre de son album, se veut être une synthèse de ce qui a construit l’univers personnel de Leleux. De formation classique, il s’est dirigé vers le jazz, la soul, la pop puis la variété. Avec enthousiasme et bonne humeur, il y met toute son énergie. Entouré d’excellents musiciens qui ont accompagné des stars allant d’Aznavour (Kevin Reveyrand, eb) à Maé (Laurent Elbaz, p) en passant par Zaz ou Biréli Lagrène, Thomas Leleux ratisse large, et peut-être même un peu trop large. Certes, cela plaît à une grande partie du public. Pour ma part, je reste un peu plus dubitatif.

Dimanche 30 juin

Il fait chaud, mais le ciel est couvert (il ne peut pas toujours faire beau en Belgique, c’est bien connu). Cela n’empêche pas le nombreux public de se réunir depuis midi sur l’esplanade, devant la scène ou sous le chapiteau où se sont déjà succédé le PCube trio pour une chorale gospel et l’excellent big band du JMO qui accueillait l’étonnant saxophoniste et arrangeur américain Drew Zaremba. Mais je ne suis arrivé que sur les coups de 15h30 pour découvrir Cat’s Light. Un quartette tendance manouche et gipsy qui ne cache pas son plaisir ni sa bonne humeur. Etienne Bizjak (violon, g), Sébastien Frémal (harm), Gilles Reignier (g) et Xavier Thiébaut (cb) rivalisent de virtuosité pour faire revivre « Minor Swing », « Georgia », « Blues en mineur » de Django et d’autres. C’est dense, réjouissant et intense, et c’est joué avec talent et des sourires jusqu’aux oreilles. Alors, pour le plaisir, Chantal Gaudin (Elya Darmor) viendra se joindre au groupe pour reprendre un « Les Yeux Noirs » plein de ressenti.

Rêve d’Eléphant Orchestra, qui avait été déprogrammé l’année précédente pour cause de maladie de l’un de ses membres, a retrouvé la scène du Paradiso. Le septette liégeois n’a pas son pareil pour raconter ses histoires surréalistes, parfois tendres, parfois poétiques et parfois même un tantinet politiques. Deux batteries (Stefan Pougin et Michel Debrulle) pour imprimer des cadences assez éloignées des marches militaires et qui laissent beaucoup de libertés aux solistes, des soufflants époustouflants qui virevoltent dans les méandres harmoniques et mélodiques pleins de chausse-trappes, la guitare de Nicolas Dechêne qui vient lacérer la chair de cette musique aussi festive que revendicatrice, ça secoue. « Trafic en galaxie », « Aitprop » mènent une révolution qui n’est pas prête de s’apaiser car Rêve d’Eléphant nous tient toujours en alerte, avec un enthousiasme communicatif. Et ce n’est pas le trompettiste Christian Altehülshorst ni Michel Massot qui calment le jeu. Les voilà partis enflammer « Fureur volatile », « Papillon » ou exciter les solos du flûtiste Pierre Bernard. Rien ne peut arrêter cet orchestre. L’éléphant a la peau dure.

Et voilà à nouveau la pluie qui revient montrer le bout de ses gouttes. Avec détermination, TKTS 4t arrive tout de même, au bout de deux ou trois morceaux, à repousser les nuages. Le quartette, composé de certains membres de l’excellent big band du West Music Club dirigé par l’infatigable Richard Rousselet, s’inspire principalement des grands airs de Broadway, du music-hall et de comédies musicales. Il ne se contente pas de jouer « à la manière de », mais impose une signature assez singulière. La preuve avec « Believe » ou « Body and Soul » bien actualisé pour commencer. Le son du sax de Diego Delporte est gras et puissant, un peu à la Rollins. Il projette et enchaîne les phrases avec fluidité et les parsème de belles idées. Au piano, Maxime Van Eerdewegh n’est pas en reste, les attaques sont solides et déterminées. Les deux solistes peuvent compter sur une rythmique attentive et bondissante. Le contrebassiste Alain Dhamen et le batteur David Demuynck n’hésitent pas à les challenger. Un séduisant quartette qui étonne aussi avec une surprenante reprise de « Breathe » de Pink Floyd. Oui, il y a du talent en Hainaut.

Alexandre Cavalière © Olivier Lestoquoit
Loris Tils © Olivier Lestoquoit

Au Paradiso, Alex Cavalière rend hommage à l’un de ses mentors : Didier Lockwood. Pour rappel, le violoniste français était venu enflammer le Tournai Jazz en 2019, quelques semaines seulement avant son décès inopiné. Autour d’Alexandre, il y a Jérôme Baudart aux drums, Olivier Stalon à la basse électrique et le fabuleux Manu Bonetti à la guitare. Tour à tour, violoniste et guitariste prennent le lead et balancent des chorus charnus. « K.T. » et « Gypsy » sont brûlants de swing. A l’aide de légers effets dont Cavalière est passé maître, le violoniste emmène son groupe. Mais c’est la musicalité qui prend chaque fois le dessus. On ressent une véritable émotion traverser tous les thèmes. Et de l’émotion, il y en a encore un peu plus, lorsque le quartette invite Francis Lockwood, le frère de Didier, à prendre place au piano. Le jazz-rock électrique de l’emblématique « Turning Point » fait le reste. On vogue ensuite entre sensibilité (« Summertime ») et souffle lyrique (« La Ballade Irlandaise »). L’amitié et l’envie de profiter de ce moment unique sont palpables. Après avoir emmené le public dans un moment de (presque) recueillement, comme si l’esprit bienveillant de Didier Lockwood planait avant de s’effacer sur la pointe des pieds, le quintette termine en explosivité. Didier a dû être très content.

Dehors, ce n’est pas Loris Tils qui calme le jeu. Au contraire, il est bien décidé à préparer le terrain pour Ida Nielsen qui doit conclure le festival. Plein de funk, d’énergie et d’humour, le bassiste et sa bande ( Sam Rafalowicz, Micka et Greg Chainis) mettent vite le feu. On reprend avec puissance les titres des albums « Mystic Bayou » ou « Chic Invaders ». Et lorsque Elia Rose vient encore attiser les braises, le public exulte. Entre compos funky, fermement ficelées, et quelques reprises (« Papa’s Got a Brand New Bag »), le groupe lâche de plus belle les impros, les slaps et les riffs saignants. Ça rit, ça s’amuse, ça partage, ça danse. La folie s’est emparée de l’esplanade.

Ida Nielsen © JC Thibaut

Le tapis rouge est donc déroulé pour accueillir la bassiste danoise, ex-membre du groupe de Prince durant les dix dernières années. Sa formation, les Funkbots, en a d’ailleurs gardé tout le suc. Pat Dorcean, aux drums, claque sèchement les tambours, Phong Le, aux claviers, balance entre funk et soul, quant au guitariste Mika Vandborg, il se fend de solos hallucinants. Le slapping de Ida Nielsen est d’une efficacité monstrueuse. Elle passe les octaves avec une aisance étonnante. Au chant, sa voix est affirmée et d’une sensualité assumée, comme sur «Vibe it Out », entre autres. En invité surprise, le rapper norvégien Son of Light vient ajouter une couche hip-hop à l’ensemble. Et puis, bien sûr, l’ombre de Prince flotte plus encore sur des titres comme « F.U.Nkwhy », « Purple Interlude » ou « Internet Crush ». Alors ça se déhanche de plus en plus. Il est étonnant qu’une telle star du funk, qui ne se produit pas si souvent chez nous, ne remplisse pas plus la salle (qui était, cependant, déjà bien garnie). C’était pourtant l’occasion de voir la princesse de la basse funk de très près. Car c’est cela aussi la magie du festival tournaisien, la proximité et la complicité avec les musiciens qui semblent tous tellement heureux d’être là, dans cette ambiance sympathique, détendue, simple… tellement humaine.

Ainsi se conclut, vers une heure du matin, l’une des éditions des plus réussies du Tournai Jazz Festival. Non seulement grâce à la programmation variée de haut niveau, mais aussi à la configuration des lieux qui permet une belle qualité d’écoute. Vivement l’année prochaine.

JazzMania remercie les photographes.

Jacques Prouvost