Le dossier Intervalles du mois – Octobre : Kraftwerk #1
En partenariat avec la radio Equinoxe FM (105.0 à Liège et streaming), JazzMania vous proposera tous les mois un dossier musical spécifique. Chaque mois, un thème, toujours sous le signe de la (re)découverte, en mots et en sons.
Retour sur l’histoire d’un groupe allemand légendaire, à la pointe de la technologie musicale… Minutieux au point de retravailler inlassablement les mêmes mélodies (imparables) qui ont façonné leur succès dans les années 70… Et de tourner ainsi décennies après décennies. Kraftwerk : le mythe… de Sisyphe !
1. Kraftwerk : Tanzmusik (« Ralf & Florian ») ‐ Philips
Nous entamons aujourd’hui le premier volet d’une saga consacrée à un groupe essentiel dans l’histoire de la musique, aussi bien electro-pop qu’avant-gardiste ou même improvisée : Kraftwerk. Le groupe naît d’une rencontre à Düsseldorf en 1967, une rencontre entre l’organiste Ralf Hütter et le flûtiste Florian Schneider. Ils développent ensemble un projet qu’ils nomment Organisation et ils enregistrent un album « Tone Float » que leur label RCA aura la très mauvaise idée de publier alors que le groupe n’existe plus. Entretemps en effet, Ralf et Florian sont passés à autre chose : Kraftwerk, un mot qui exprime la puissance électrique, mais surtout un mot en allemand qui symbolise le droit d’être allemand, vingt-cinq ans après la défaite nazie. Nous écoutions « Tanzmusic », un extrait de l’album « Ralf & Florian », 1973, le troisième album de Kraftwerk. On est encore en pleine préhistoire sonore du groupe. Et cela va très vite changer !
2. Kraftwerk : Autobahn – version single (« Autobahn ») ‐ Philips
« Tanzmusik » que nous venions d’entendre en introduction évoquait, c’est certain, la musique minimaliste américaine en vogue à l’époque. Terry Riley a ouvert une voie, Steve Reich suit et Kraftwerk s’engouffre dans un schéma simple et répétitif. Même si le groupe connaît un petit succès d’estime au niveau européen, c’est bien à partir d’« Autobahn » (1974) qu’il obtient une reconnaissance, du moins du public. Ce qui a changé ? D’abord, même si le texte est très court, il existe, prononcé parfois avec un vocodeur. Et d’autre part, Schneider et Hütter, avec le concours de leur ingénieur du son historique, véritable membre non musicien du groupe, Conny Plank, ont mis au point le premier modèle de batterie électronique. Nous écoutions « Autobahn » en version single, la version complète occupant toute la face A de l’album, soit vingt-deux minutes.
3. Kraftwerk : Radio-activity (« Radio-activity ») ‐ Capitol
Pour assurer le même succès, sur scène cette fois, le duo de base Ralf et Florian engage deux percussionnistes : Karl Bartos et Wolfgang Flür. Ce quartet forme, pour de nombreuses années la version la plus représentative de Kraftwerk. Ils se prennent au jeu mystérieux du concept hommes-machines et poursuivent sur cette voie. Fin 1975 sort l’album « Radio-Activity » qui devient un succès mondial, surtout en France, où Jean-Loup Lafont, animateur vedette sur Europe 1 utilise la plage titulaire comme indicatif. Notez enfin, pour la petite histoire, que Kraftwerk se démarque depuis pas mal de temps de l’énergie nucléaire. En ajoutant en concert le mot « stop » devant Radio-activity et en répertoriant durant la chanson les sites qui ont connu un incident nucléaire.
4. David Bowie : V2-Schneider (« Heroes ») ‐ RCA Victor
Le succès commercial est réel, « Radio-activity » devient disque d’or dans plusieurs pays, mais l’accueil critique quant à lui est très mauvais. Kraftwerk peut cependant compter sur le soutien d’un grand nombre de fans parmi lesquels on retrouve David Bowie qui diffuse l’album « Radio-activity » avant ses concerts lors de sa tournée « Station to Station ». 1976, Bowie et Iggy Pop sont en Allemagne, Bowie enregistre avec Brian Eno sa trilogie berlinoise. Il est question d’une collaboration avec Kraftwerk qui ne verra finalement jamais le jour. Bowie rend ici hommage à Florian Schneider sur l’album « Heroes » : « V-2 Schneider ».
5. Kraftwerk : Trans-Europa Express (« Trans-Europa Express ») ‐ Capitol
Nous sommes à présent en 1977 et Kraftwerk, qui s’affiche dorénavant sur les pochettes comme étant un véritable quartet, poursuit sur la voie du succès. Toujours en présentant un contrôle froid et énigmatique qui plaît au public. L’album suivant, « Trans-Europe Express » voit le groupe s’éloigner peu à peu de la culture allemande – Stockhausen étant leur référence avouée – au profit de la culture européenne. Mieux, ils participent activement à la création d’un mouvement musical post-punk européen, la Cold Wave. Cette fois, le succès est unanime… Le doivent-ils à Bowie et Iggy Pop, présents dans les paroles de ce succès planétaire : « Back Düsseldorf / Meet Iggy Pop and David Bowie ». Trans-Europe Express.
6. Donna Summer : I Feel Love (« I Remember Yesterday ») ‐ Atlantic
Dorénavant, Kraftwerk se danse… Outre Bowie, d’autres musiciens obtiennent de gros succès en s’inspirant ouvertement de la musique du groupe allemand. Souvenez-vous de Visage ou encore Gary Numan et Tubeway Army. De l’autre côté de l’Atlantique c’est le producteur Giorgio Moroder qui s’inspire de Kraftwerk lui aussi, en associant la froideur du concept à la chaleur du disco, très à la mode en 1977. Ceci nous donne notamment ce tube planétaire interprété par Donna Summer.
7. Kraftwerk : The Robots (« The Man-Machines ») ‐ Capitol
Nous voici arrivés en 1978. Date de la sortie de « The Man-Machine » qui clôture on peut le dire la période faste du groupe. A ce sujet, le chroniqueur Andy Gill, du très respecté New Musical Express, écrit ceci : « The Man-Machine est un sommet de la rock music, l’un de ceux dont je doute que Kraftwerk puisse jamais surpasser ». Et malheureusement, même si le groupe nous offrira encore de bonnes choses par après, l’histoire nous révélera que Gill avait raison… Cette fois, le succès est total… Mais les membres de Kraftwerk sont aussi un peu lassés. Notamment du fait de se rendre en tournée, de ville en ville sans jamais avoir le temps de les visiter. Aussi, ils envisagent un concept total, celui des hommes-machines capables pourquoi pas de les remplacer lors des concerts.
8. New Order : Blue Monday ‐ maxi ‐ Factory
Kraftwerk prend donc un peu de recul puisqu’il faudra attendre trois années avant que le groupe ne présente un nouvel album. Entretemps, leur impact sur la musique populaire de la fin des années septante et un peu après est très imposant. Ceux qui revendiquent cette source d’inspiration ont pour nom Human League, Orchestral Manœuvre in the Dark, Soft Cell, Telex chez nous ou encore New Order qui atteint la première place des charts mondiaux avec « Blue Monday », une chanson qui emprunte des notes d’« Uranium » que l’on retrouve sur l’album « Radio-activity ».
9. Kraftwerk : Computer World (« Computer World ») ‐ EMI
« Computer World » est donc publié en 1981. Et autour d’eux, beaucoup de choses ont changé, même si Kraftwerk demeure au sommet de la technologie. Devant chaque musicien, on retrouve dorénavant non pas un instrument de musique, mais bien une console. C’est depuis le studio Kling Klang que l’on prépare les notes et les rythmes reproduits en concert.
10. Afrika Bambaata & the Soul Sonic Force : Planet Rock ‐ maxi ‐ Tommy Boy
La tournée qui suit la sortie de l’album est parfois chaotique, mais « Computer World » finit par bien se vendre. Sans doute grâce aussi au succès retentissant qu’obtient le DJ new-yorkais Afrika Bambaata en 1982 avec le hit « Planet Rock ». Afrika Bambaata, Lance Taylor de son vrai nom, l’un des fondateurs de mouvement hip-hop emprunte pour ce titre, sans le demander préalablement, les mélodies de « Trans-Europ Express » et de « Numbers » que l’on retrouve dans l’album « Computer World ». Les membres de Kraftwerk devront poursuivre Taylor en justice pour obtenir une compensation financière sur les ventes. C’est avec Afrika Bambaata et ce titre clé du hip-hop que l’on clôture la première partie de la saga Kraftwerk. La suite ? Ce sera pour le mois prochain.
Intervalles sur Equinoxe FM
Chaque mardi à 22 heures (rediffusion le jeudi, 22 heures)