La Cozna : Ni nuit ni jour

La Cozna : Ni nuit ni jour

Raffut Collectif

Toutes proportions gardées, quoique, la démarche des Français de La Cozna est un peu identique à celle des Irlandais de Lankum. Il suffit d’écouter la fin de « Blanche biche », l’intro de « Là-haut dedans la tour » ou l’accompagnement noisy et uniforme tout au long de « Songez à votre monde » pour en être convaincu. Egalement quatuor, La Cozna (La cuisine, en savoyard) reprend des chansons traditionnelles issues des transmissions orales féminines et collectées au vingtième siècle. Elles parlent d’amours, de colères, de désir de libertés… des textes qui s’accordent toujours avec des situations et des revendications féminines actuelles. Le groupe s’est formé en 2021 à Grenoble à l’initiative de Clémentine Ristord (clarinette basse, saxophones, boîte à bourdon). Elle s’est entourée de Pierre-Antoine Despatures (contrebasse, percussions), de Benjamin Garson (guitares) et de Clémence Baillot d’Estivaux (chant, violoncelle). Un invité au chant (Bruno Ducret) intervient sur quelques titres. L’album paraît sur un jeune label regroupant des artistes improvisateurs « d’où va émerger un grand raffut qui attire l’oreille ». Et c’est le cas avec ces musiciens qui nous viennent des musiques improvisées, du jazz et de la musique classique. Cette formation atypique, inhabituelle, nous dévoile un audacieux folk expérimental qui s’accorde des instants soniques, de la gravité et prend, en actant de cette manière, des accents contemporains. Pour brouiller les sons, les pistes, ils n’hésitent pas à rajouter des sonorités issues de la manipulation de pinces à linge, d’aiguilles à tricoter, de papier alu, de touillette à café, de baguettes en corne, en os ou en bambou ! Portées par la voix angélique de Clémence Baillot d’Estivaux, les chansons reprises par La Cozna nous font pénétrer dans un monde étrange et il nous vient des visions faites de villages isolés, de marais effrayants, de forêts sombres dans lesquels les faits d’amours nous rappellent qu’ils ont un côté intemporel (« Le jardin des amours ») et qu’un texte tel que celui de « Les amants sont volages » démontre, avec un humour certain, que quelques femmes pouvaient se montrer un rien rebelles et audacieuses à ces époques. J’ai adoré Lankum et La Cozna me fait pratiquement le même effet. Mais je pourrai comprendre la réticence chez certains. Enfin, n’oublions pas que, malgré son côté « pastoral », cette musique flirte quand même plus avec le monde de l’alternatif et celui de l’expérimental que de la folk en sabots ! Soyez curieux, osez ! J’espère que, comme moi, vous succomberez.

Claudy Jalet