Brussels Jazz Festival (9 au 18/01/25)
C’est devenu le moment jazz incontournable de l’hiver : le Brussels Jazz Festival en est à sa dixième édition. Qui de mieux que Maarten Van Rousselt, le programmateur, pour nous en parler ?
«Il n’y a pas deux concerts au même moment. C’est quelque chose que le public apprécie.»
Dixième édition cette année : quel regard portes-tu sur ce parcours ?
Maarten Van Rousselt : On a fait huit éditions en physique, une en streaming et une annulée à cause du coronavirus, celle-ci aurait dû être la onzième. Le festival a commencé assez modestement avec un ou deux concerts par soirée, puis on a grandi pour en arriver aujourd’hui à trois concerts par soir : on débute au studio 1 avec un jeune groupe belge ou international ; puis on continue au studio 4 à 21h et on termine dans le hall où on installe une scène bien équipée, seul endroit à Flagey où on peut accueillir un public debout : souvent, c’est plus dansant, up-tempo en buvant un verre. Une autre spécificité du festival est qu’il n’y a pas deux concerts au même moment, c’est quelque chose que le public apprécie : pas besoin de se presser entre deux concerts. C’est donc possible de voir tous les concerts programmés. En 2018, on a commencé à travailler avec un artiste en résidence. On est gâté par le talent des jeunes musiciens et musiciennes. On essaie de travailler avec des artistes qui vivent à Bruxelles ou qui ont étudié à Bruxelles en alternant musiciens néerlandophones et francophones. La résidence donne un coup de pouce, des disques sortent, ils ont une belle promotion, avec leur tête sur l’affiche, ça doit être un boost dans leur carrière. On discute de leurs envies de leurs propositions : par exemple, Antoine Pierre avait un grand souvenir d’avoir joué à Dinant avec Joshua Redman et il souhaitait l’avoir pour sa carte blanche. Une de nos missions est d’avoir un beau festival, mais aussi de créer une plateforme pour les jeunes artistes.
La qualité acoustique est exceptionnelle à Flagey, ça joue autant du côté des musiciens et du public.
M.VR. : C’est un privilège d’avoir des salles comme ça qui ,au départ ,ont été conçues comme des studios de radio et pas comme des salles de concert. Nonante ans plus tard, l’acoustique est toujours phénoménale et les musiciens sont toujours très heureux de jouer ici, car ils savent que les conditions sont idéales pour le lieu et pour l’équipe.
«On essaye de garder un équilibre entre découvertes de jeunes talents et noms réputés.»
L’accent a récemment été mis plus sur la découverte.
M.VR. : Ça fait partie de l’évolution du festival dans le sens où, quand on regarde l’évolution du jazz dans les grands festivals en Europe, les mêmes noms reviennent souvent partout. On a essayé d’avoir une autre approche : en Europe, on a plein d’artistes de qualité. Le public bruxellois est aussi très curieux, il n’a pas peur d’aller voir des choses qu’il ne connaît pas. On essaie de garder un équilibre entre découvertes de jeunes talents et noms réputés : par exemple, on débute avec David Murray dont le nouveau disque est deuxième album de l’année pour le New York Time.
Le festival est étalé en jours, mais aussi réparti sur la même journée entre concerts à 12h30 et 22h30.
M.VR. : Oui, en fait, les concerts du vendredi à 12h30 sont devenus une habitude à Flagey, on les appelle des « Piknik concerts » où les gens du quartier surtout viennent, reçoivent une boisson et un sandwich et assistent à un concert. Ça permet de proposer des jeunes artistes. Le mercredi après-midi, on fait un concert avec les Jeunesses Musicales, aussi une production de cinéma : je recommande d’aller voir « Soundtrack to a Coup d’Etat » de Johan Grimonprez le 12 janvier à 20h, le film explique comment le jazz a été utilisé par la CIA dans les années 60 en Afrique. Il y a aussi une expo de photos, un programme très varié.
«Un label « Flagey », C’est un peu mon rêve.»
Il y a aussi une collaboration avec la radio.
M.VR. : Ce n’était pas possible avec Musiq3 cette année, mais Radio Klara diffusera le premier concert de Bram De Looze le 10 janvier. On enregistre pas mal de concerts avec options pour une diffusion radio. Le nouvel album de « Vice Versa » sera enregistré pour une sortie d’album. Le troisième projet de Bram sera assez atypique avec le piano et le gayageum coréen. On enregistre de toute façon ses trois projets.
A quand un label « Flagey » ?
M.VR. : On n’a pas notre propre label, c’est un peu mon rêve. On a collaboré avec Outhere pour Antoine Pierre et pour Jean-Paul Estiévenart. On a fait un « Jazz meets Symphonic », une série qu’on a créée avec le Bijloke : on invite des artistes pour une création avec orchestre symphonique. Il y aura une création cette année avec Craig Taborn, Thomas Morgan, Ches Smith et Peter Evans… Ils ont trois jours de répétition, puis le concert à Flagey et puis au Bijloke : ce sera enregistré et ECM est intéressé. Le « Jazz Meets Symphonic » avec Bill Frisell de l’an passé est sorti sur Blue Note et est nommé pour un Grammy Award cette année dans la catégorie « Best Contemporary Album ».
Tout le programme du Brussels Jazz Festival : www.flagey.be
Lire aussi à ce sujet l’interview de Bram De Looze programmée aujourd’hui sur JazzMania.