Bruno Angelini, Angelika Niescier, Sakina Abdou : Lotus Flower

Bruno Angelini, Angelika Niescier, Sakina Abdou : Lotus Flower

Abalone

Arrivé sur la scène jazz à la fin des années 90, Bruno Angelini n’a jamais été du genre à ressasser les mêmes formules ni les mêmes idées. Cette fois-ci, le pianiste a réuni un trio atypique avec deux saxophonistes : la Française Sakina Abdou (ténor) et l’Allemande Angelika Niescier (alto). Deux musiciennes aux jeux très libres, influencés par l’impro totale et l’exploration expérimentale pour l’une (allez checker « Goodbye Ground ») ou un jazz très contemporain pour l’autre (« Beyond Dragons », par exemple). Sans doute pour créer les contrastes – ou les accentuer – les compositions collent ainsi au plus près de ce « Lotus Flower » inspiré d’une réflexion de Wayne Shorter : « […] quand la fleur s’ouvre dans le marais, tout autour de la tige, l’eau s’éclaircit ! C’est un symbole de lumière ». Angelini en profite pour confronter son jeu souvent lyrique à ceux, plus incisifs de ses compagnes. C’est un dialogue qui s’engage entre les trois musiciens pour délivrer également des messages plus politiques qui combattent les inégalités ou réclament plus de justice et de paix. Le trio prend ainsi à témoin des militants et militantes comme Jane Addams, Berta Cacérès, Rosa Parks ou encore Nelson Mandela, dont il utilise quelques discours en filigranes sonores. Entre douceurs mélodiques (« Por la Defensa de los Rio ») et rages soudaines (« L’Art de la paix », « Race for the Earth »), « Lotus Flower » nous tient en alerte à chaque instant. Le piano alterne délicatesse et brutalité, tandis que l’alto et le ténor s’accordent à l’unisson ou n’hésitent pas à s’opposer dans des contrepoints marqués. Parfois ça frotte, ça crisse, ça bouscule et puis ça s’apaise, un peu comme le lotus qui éclaircit le marécage.

Jacques Prouvost