Le dossier Intervalles du mois ‐ Mai : Sly Stone #2

Le dossier Intervalles du mois ‐ Mai : Sly Stone #2

En partenariat avec la radio Equinoxe FM (105.0 à Liège et streaming), JazzMania vous proposera tous les mois un dossier musical spécifique. Chaque mois, un thème, toujours sous le signe de la (re)découverte, en mots et en sons.

Sly Stone a influencé bon nombre de grands musiciens, aussi bien dans le monde du jazz (Miles Davis, Herbie Hancock…) que dans celui du funk et de la pop music (George Clinton, Prince, …). Pour ce dossier sons et mots du mois, nous nous pencherons sur la vie (et les frasques) d’un artiste aussi doué qu’insaisissable… Voici le deuxième épisode qui pourrait s’appeler « la chute » !

Intervalles #330 ‐ l’émission du 8 avril 2025 : Sly Stone #2

1. Sly and the Family Stone : Thank You (« Greatest Hits ») ‐ Epic

« Thank You », Sly & the Family Stone. Non pas un remerciement, mais plutôt une mise en garde que nous adresse Sly, comme l’indique le sous-titre : « For Letting me be my self again ». Un titre qui atteint la première place du billborad aux States et avec lequel nous allons aborder ici le deuxième volet de notre saga consacrée à l’un des plus gros gâchis de la musique populaire. Souvenez-vous, le mois dernier, nous quittions le groupe situé alors (déjà…) au sommet de sa gloire. Nous étions le 16 août 1969 à trois heures du matin, quand Sly & the Family Stone montèrent sur la scène de Woodstock pour réaliser ce qui sera certainement l’un des plus incroyables concerts de la musique populaire, tous genres confondus. Mais nous ne tarderons pas à le voir, qui dit « sommet » indique très certainement descente tout aussi vertigineuse, ce que Sly Stone ne manquera pas d’effectuer.

2. Little Sister : You’re the One (« I’m Just Like You ‐ Sly’s Stone Flower 1969-1970») ‐ Stone Flower

Le label de Sly, Epic, attend impatiemment qu’un nouvel album arrive, histoire de faire fructifier en dollars la gloire naissante du groupe. Mais déjà, ce musicien imprévisible n’en fait qu’à sa tête. Plutôt que d’enregistrer de nouvelles chansons, il s’égare dans la création du label très éphémère Stone Flower qui publiera quelques singles du groupe 6ix, de Joe Hicks (comparé à un Otis Redding du pauvre) mais aussi du trio Little Sister qui comprend sa sœur Vet. Un trio que nous venons d’écouter. L’ensemble de la production Stone Flower est rassemblé finalement en seul album « I’m just like you » paru en 2014.

3. Sly & the Family Stone : Poet (« There’s a Riot Goin’on ») ‐ Epic

Ce nouvel album du groupe, « There’s a Riot Goin’on » arrive finalement dans les bacs aux mois de novembre 1971. Avec ce titre, Sly donne une réponse à sa manière à la question posée six mois plus tôt par Marvin Gaye, « What’s Going’on ? » Qu’a-t-il fait entretemps notre ami Sly ? Eh bien, il s’est abîmé dans la coke et la paranoïa. Il vit désormais avec sa tribu en vase clos dans une immense demeure californienne, protégé par des armes et des gardes du corps… Côté musique, ça se passe plutôt bien. Extrait de « There’s a Riot Going on » : « Poet ».

4. Jimi Hendrix : Message of Love (« Band of Gypsys ») ‐ Polydor

Même s’il devient de plus en plus imprévisible, il n’empêche ‐ et on le verra tout au long de cette émission ‐ Sly Stone demeure pour beaucoup une réelle référence. Souvenez-vous de Miles, qui s’inspire ouvertement de la musique de Sly (c’est le cas notamment pour l’album « Bitches Brew »), ce sera aussi le cas semble-t-il pour Jimi Hendrix qui tente ‐ en vain ‐ de débaucher Greg Errico, le batteur de la Family Stone lorsqu’il forme son dernier groupe, Band of Gypsys.

5. Sly and the Family Stone : Let Me Have it All (« Fresh ») ‐ Epic

Avec le train de vie qu’il s’inflige, Sly Stone se trouve déjà au bout du rouleau alors que nous ne sommes encore qu’en 1973 et qu’il vient d’avoir trente ans. L’album suivant « Fresh » se trouve chez les disquaires au mois de juin. Sur la pochette, on peut voir Sly bondir dans les airs… La chute n’est pas loin puisque dans cette chanson extraite de l’album, « Let Me Have it All », il nous parle des sensations que lui provoque la drogue, soit une montée rapide suivie d’une descente inéluctable.

6. Bobby Womack : Communication (« Communication ») ‐ Universal

Parmi ses nouveaux amis, Sly peut compter sur une icône de la musique soul américaine : Bobby Womack. Un homme qui lui fera confiance (à tort dans doute) jusqu’au bout, sans trahir leur amitié. Et pourtant, les séances d’enregistrement de « Communication », un album de Womack supervisé par Sly, s’apparentent à une séance de torture. Womack le précisera plus tard : « Je me trouvais constamment dans le noir, complètement défoncé, en train d’essayer de chanter alors que je n’avais plus dormi depuis six jours. ».

7. Sly and the Family Stone : Holdin’on (« Small Talk ») ‐ Epic

Sly n’est plus fiable du tout : il arrive en retard ou pas du tout aux concerts qu’il doit assurer ou il lance des promesses qu’il est incapable de tenir. Exemple : il perçoit une somme de vingt mille dollars pour produire l’album de Beck, Bogert & Appice… Pour aucun résultat bien évidemment. C’est dans ce contexte que sort son album « Small Talk » en juillet 1974, le dernier avec la Family Stone, un album qui annonce clairement le chant du cygne.

8. Sly Stone : I Get High on You (« High on You ») ‐ Epic

Si on peut reconnaître une qualité à Sly, c’est celle d’être têtu. Jusqu’au bout, il veut s’accrocher à une destinée dorée, celle d’un musicien dont le talent peut rapporter gros. Dès la séparation de la Family en janvier 1975, il s’attaque à son premier album solo, « High on You » qui parait à la fin de l’année. De nouveau, sur la pochette, Sly capté bondissant dans les airs… Bref, côté santé, rien ne semble s’arranger…

9. Ohio Players : Fire (« Fire ») ‐ Mercury

Rien ne s’arrange donc, d’autant plus que la relève a pris sa place dans les charts, ce qui repousse Sly vers l’anonymat. Cette relève du funk a pour noms George Clinton bien évidemment, mais aussi KC & the Sunshine Band, Earth, Wind & Fire, Kool & the Gang ou encore Ohio Players que l’on écoute avec la plage titulaire de l’album « Fire ».

10. Sly and the Family Stone : It Takes all Kinds (« Back on the Right Track ») ‐ Warner Bros

La seconde moitié des années 70 se passe donc dans l’indifférence complète. Deux accrocs supplémentaires viennent s’ajouter à ceux qui entraînent Sly vers les fonds de l’enfer. Tout d’abord, son label, Epic, décide de rompre son contrat. Ce qui ne l’empêche pas de retrouver immédiatement de l’embauche chez Warner. D’autre part, Sly commet une erreur monstrueuse. A court d’argent, il cède ses royalties à un agent, Ken Roberts. Seule petite lueur de lumière au bout du tunnel, la fidèle trompettiste Cynthia Robinson, assemble une nouvelle Family Stone. Parmi les meilleurs faits d’arme de cette nouvelle mouture de la Family, on retiendra « Back on the Right Track » paru en toute fin des années 70.

11. Sly & the Family Stone : Hobo Ken (« Ain’t But the One Way ») ‐ Warner Bros

Le deuxième album que Sly Stone doit contractuellement à Warner parait bien plus tard, en septembre 1982. Et figurez-vous qu’il s’agira en fait du véritable dernier album de la carrière de Sly. Lors d’une interview accordée sur un plateau de télévision, il annonce que si cet album ne se vend pas à un million d’exemplaires, il s’en tiendra tout simplement là… Parole tenue face à un bide commercial de plus… Sly & the Family Stone : « Ain’t But the One Way ».

12. Public Enemy : Fight the Power (« Fear of a Black Planet ») ‐ Def Jam

Dorénavant, la vie de Sly se résume à des passages en prison ou en cures de désintoxication vouées à l’échec. Musicalement, il n’y a plus rien à se mettre sous la dent. Par contre, la nouvelle génération, celle du rap, ne l’oublie pas. C’est le cas pour le groupe Public Enemy qui, en 1990, sample un titre de Sly (« Sing a Simple Song ») en clôture de son album « Fear of a Black Planet ». Mais on le sait, Sly n’est plus détenteur des droits liés à ses compositions…

13. Sly Stone : Plain Jane (« I’m Back ! Family & Friends ») ‐ Cleopatra

Dorénavant, chaque apparition de Sly tient du miracle ou de l’escroquerie. On se souvient par exemple de la désolation et des huées provoquées par son apparition au Blue Note Festival de Gand le 14 juillet 2007. Lors de cette tournée, la dernière, il lui arrivait d’arrêter de jouer après quelques morceaux, prétextant un besoin urgent à assouvir… Voici la toute dernière production discographique de Sly : « I’m Back ! Family & Friends », paru en 2011. En vérité essentiellement un album de remix de vieux succès auxquels on a ajouté trois inédits.

14. Herbie Hancock : Sly (« Head Hunters ») ‐ Columbia

Sly vit toujours, et ça tient du miracle. Il semble même qu’il vive relié à une bouteille d’oxygène.

On va néanmoins achever ce feuilleton sur une très belle note. Une composition qu’un grand musicien, un de plus, dédie à Sly Stone, un génie qui, malgré ses nombreuses frasques laissera à jamais une trace indélébile dans l’histoire de la musique. Herbie Hancock : « Sly » !

Intervalles sur Equinoxe FM
Chaque mardi à 22 heures (rediffusion le jeudi, 22 heures)

Yves Tassin