
MouthWind : Corps et Biens
Pour tragique qu’ait été le destin de Robert Desnos, il n’occulte pas la vie qu’il a menée tambour battant, se vouant corps et âme à la poésie et à la résistance antifasciste. Révérés après-guerre, ses ouvrages sont aujourd’hui tombés peu à peu dans l’oubli. « Corps et Biens », tiré du recueil éponyme de poèmes surréalistes publié chez Gallimard en 1930, se présente comme un hommage à Robert Desnos. Sous l’étiquette MouthWind, nous retrouvons Jean-Michel Van Schouwburg et Lawrence Casserley. Le premier nous est connu pour son travail de vocaliste effréné, hardi, sans cesse remis sur le métier. Rappelons qu’il est également rédacteur occasionnel au sein de JazzMania. Le second nous est moins familier. On sait qu’il a fréquemment joué avec Evan Parker (il fut membre de l’Evan Parker Electro-Acoustic Ensemble et Quartet) et qu’il a été professeur de musique électro-acoustique au Royal College of Music de Londres. Van Schouwburg et Casserley collaborent depuis près de vingt ans tandis que MouthWind avait déjà réalisé un album en 2011. Ce disque ne constitue pas une mise en musique des poèmes de Desnos, pas plus qu’une illustration sonore de son travail. Il s’agit avant tout d’une visite singulière qui lui est rendue. Ce qui nous est donné à entendre, ce sont des extraits de ses vers qui ont été choisis au hasard. Vous n’en reconnaîtrez aucun. La voix de Jean-Michel Van Schouwburg procède par des techniques qui lui sont propres : improvisations, déclamations, interjections, onomatopées, échoïques… Sa voix est traitée par Casserley à travers un processeur digital en temps réel pour la métamorphoser dans un autre univers ondulé, stratifié en mutation constante. « Lawrence a la capacité de happer au vol l’instant précis où la voix émet le meilleur élément sur lequel il travaille immédiatement ou… quand c’est le plus utile. Le continuum de l’espace-temps se redéfinit » explique Jean-Michel. « Corps et Biens » est un disque qui se cheville dans le corps de l’oreille.