René Lussier – Robbie Kuster : Fiat Lux
De René Lussier, on se souvient d’un disque clé dont le titre n’avait à l’époque cessé de nous interpeller : « Le Trésor de la langue », initialement paru au début des années 90, réédité depuis lors en coffret, récipiendaire d’un prix des radios de langue française. Fallait-il y voir une défense du français au Québec s’inscrivant dans la démarche d’un Gaston Miron ou juste une accolade donnée à la beauté des mots et à la liberté qu’ils induisent ? La question demeure entière. Lussier a passé plusieurs décennies à côtoyer des musiciens québécois (Jean Derome, Robert Marcel Lepage, Martin Tétreault, Liette Remon…) et internationaux (Fred Frith, Tom Cora, Chris Cutler…). Sa discographie, polyforme et foisonnante, témoigne de ces nombreuses collaborations. Sur « Fiat Lux », il revient aux côtés de Robbie Kuster, un batteur d’origine suisse établi à Montréal qui a travaillé avec Patrick Watson. Cet album n’est pas seulement le fruit d’une collaboration artistique, il est aussi l’affirmation d’une amitié forte de plusieurs années. La pochette du disque arbore deux allumettes côte à côte. « Quand leur créativité se frotte, la lumière revient » annonce leur bio. On veut bien les croire tant on saisit pleinement l’énergie qui se dégage de leurs compostions. René Lussier est autant à l’aise pour faire badiner sa guitare que pour la faire crier ou pleurer. Il officie parfois aussi à la basse, à la guimbarde et au daxophone : un instrument rare à archet qui a la réputation d’être indomptable. Kuster assure une rythmique pleine d’imprévus tandis qu’il s’essaye ci et là à l’égoïne ou à l’orgue à clous ! Il en ressort quatorze morceaux aux titres parfois improbables, où l’improvisation a la part belle, tandis qu’en avant-dernière place figure une reprise d’Ornette Coleman : « Haven’t Been Where I Left ». Coruscant, telle une allumette qui brûle dans le noir.
