
I H8 Camera : Live at l’Archiduc, Brussels, May 2023
D’emblée, Rudy Trouvé avertit : « Bonjour, nous sommes I H8 Camera, nous improvisons. Parfois, ça marche, mais parfois pas… On verra ! » Et bien entendu, ça marche ! Du moins pour ce qui nous est donné d’entendre sur ce double LP Live qui rassemble des sessions enregistrées durant cinq soirées passées dans ce club mythique de Bruxelles, durant le mois de mai 2023. Comment cela pourrait-il « ne pas marcher » ? Avec de tels musiciens, tous associés aux scènes rock et jazz alternatives, tous détenteur d’un pédigree qui foutrait des complexes à plus d’un musicien averti ! Sans autre attente, dressons un inventaire. Du noyau dur tout d’abord. Rudy Trouvé donc (guitare, vocals), qui « dirige » la manœuvre et qui a fait partie de la grande épopée internationale menée par dEUS avant de rejoindre d’autres groupes de la scène anversoise (Kiss My Jazz, Dead Man Ray, Gore Slut…). A la basse et aussi au chant, un autre ex-dEUS qui, depuis, a créé les fantastiques Zita Swoon avant de mener une carrière en solo. Teuk Henri (guitare lui aussi) a collaboré avec tant de groupes qu’il serait inutile de vouloir en dresser un inventaire complet. On se contentera de citer Sharko et Juniper Boots. On évitera aussi de se planter dans cet exercice avec Teun Verbruggen, un batteur mieux connu des amateurs de jazz. Au Korg MS-10, nous annonçons Jef Mercelis, dont la carrière solo aurait dû lui rapporter une reconnaissance auprès d’un large public. Enfin, au chant, le chanteur charismatique d’origine américaine Matt Watts, tragiquement décédé il y a un peu plus d’un an et à qui cet album est tout naturellement dédié. Ceci devrait suffire pour faire de ce « who’s who » un repère pour de grands moments musicaux complices. Mais ils ne se sont pas contentés de la formule en sextet. Au gré des seize titres alignés, d’autres « pointures » sont invitées à en découdre. Comme l’improvisateur / chercheur Seppe Gebruers (piano), Catherine Graindorge (violon) ou encore la légende du blues-rock belge Roland Van Campenhout…
Reprenons si vous le voulez bien au début de cette chronique. « Nous improvisons. Parfois ça marche, mais parfois pas… ». Comme des gosses tout heureux d’avoir actionné la sonnette du vieux retraité râleur et chiant du bout de la rue avant de s’enfuir en rigolant, les acteurs de ce band à géométrie très variable se lancent dans l’alignement de mélodies tordues et hypnotiques à l’aide de guitares vrombissantes, de textes manifestement fabriqués sur le pouce, soutenus par une rythmique obsédante. S’il fallait vous décrire cette musique ? Imaginez un pont qui relierait les premiers exploits de Nick Cave et le groupe de post-punk The Ex emmené par G.W. Sok. Les quelques dizaines de spectateurs entassés dans l’Archiduc mesurent certainement leur bonheur d’être là. Là et à ce moment-là. Cette expérience, je l’ai vécue quand j’ai découvert I H8 Camera lors d’une soirée d’hiver passée à Huy il y a quatre ans. Un concert intense, jouissif, durant lequel vous êtes littéralement happé par la musique.
Cet album est un précieux document témoignant de l’existence du groupe sous l’ère Matt Watts. Cette absence, le groupe devra la surmonter lors de la tournée qui s’annonce… Nous sommes certains que la magie continuera d’opérer !
I H8 Camera en tournée, notamment à Huy, à l’Atelier Rock, le 20 septembre.