
Ellinoa : Mejiro
Les P’tits Cailloux du Chemin / InOuïe Distribution
L’objet disque est magnifique et me séduit, moi l’amoureuse des voix, des fleurs et des oiseaux, grâce aux splendides photos et au design de Marc Ribes. Je découvre le premier morceau « Tokyo Tears » qui démarre entre fée clochette et flûtes légères. Soudain, Ellinoa me surprend par sa tessiture de soprano et son orchestration expérimentale, complexe et contrastée. Perplexe, j’éteins le lecteur de CD. Il me faudra lire le livret, traduire les paroles en anglais et écouter plusieurs fois jusqu’au bout « Mejito » pour apprécier l’immense travail de création, de composition, d’arrangement et de chant réalisé par Ellinoa dans son 4e album avec ses fantastiques musiciens (qui sont aussi les chœurs) : Christelle Raquillet / flûtes, ocarina, Arthur Henn / mandoline, Héloïse Lefebvre / violon, Mathilde Vrech / alto et Juliette Serrad / violoncelle. Bien que française, Ellinoa développe un style personnel, à la croisée du jazz, de la musique classique, de la tradition japonaise, des mélodies inspirées des sons naturels. Ellinoa nous livre son dilemme dans les paroles du premier morceau : « I never know how to write melodies /I wish I could simplify ideas/ They always come to me in the most convoluted way. » (« Je ne sais jamais comment écrire des mélodies. Je voudrais être capable de simplifier les idées. Elles viennent toujours à moi de la manière la plus alambiquée »).
Je vous partage trois de mes coups de cœur dans cet album, dont l’entièreté mérite une écoute attentive. Les paroles introspectives et les instrumentaux magistraux se fondent dans une cohérence systémique. Car Ellinoa est aussi cheffe d’orchestre ! J’adore « Restless ». Elle pose son chant sur le balancement solide des cordes puis elle nous fait décoller dans un envol de voyelles avant de conclure « I try to be me. I need my peace and my buzz. Will the restless girl quiet down over time ? » (« J’essaie d’être moi. J’ai besoin de paix et d’enthousiasme. La fille agitée finira-t-elle par se calmer avec le temps ? ») Dans « The Komadari’s voice », sa composition imite un gazouillis, puis elle nous emporte dans un scat fabuleux qui démarre de l’aigu pour plonger dans les couleurs chaudes et graves de sa voix. Elle nous quitte dans une rythmique de cordes étouffées en nous interpellant : cet oiseau qui nous met en garde face à l’urgence climatique et écologique sera-t-il réduit au silence, comme le printemps ? « Natsu no ame », quasi cinématographique, est inspiré d’un morceau traditionnel et de la musique de Joe Hisaichi. Écrin envoûtant de flûte. Cordes pincées en pizzicato mimant le plic-ploc des gouttes de pluie sur les toits. Chaleur des violons. Chant réduit au minimum.
Ciel lourd d’automne − « Écoute la pluie sur le toit » souffle Ellinoa