Rêve d’éléphant orchestra, nouvelle odyssée
Rêve d’Eléphant Orchestra : nouvelle Odyssée.
Concert de présentation d’Odyssée 14 @Reflektor (Liège).
Le concert de lancement du nouveau cédé de Rêve d’Éléphant Orchestra, du samedi 13 juin, clôturait, en partie, la célébration des 25 ans d’existence du Collectif du Lion, par un double événement: la sortie du livre “Sur la piste du Collectif du Lion, une aventure plus que musicale” et le nouvel album, “Odyssée 14”.
Sortir un quatrième disque, après le succès des précédents, comportait un danger : donner l’impression de se répéter, de ne pas surprendre le public au travers d’un répertoire résolument novateur. Ce serait mal connaître Michel Debrulle et ses compagnons léonesques. L’album comme le concert allaient le prouver !
D’abord, Rêve d’Eléphant Orchestra a toujours eu l’art d’intégrer de nouveaux musiciens en conservant la parfaite cohésion du groupe. Cette fois deux nouveaux musiciens : à la trompette et au bugle, Jean-Paul Estiévenart, de plus en plus polyvalent (pensez, par exemple, à son intégration au sein de Mik Mâäk) succède à Laurent Blondiau et Alain Vankenhove et, à la guitare, Nicolas Dechêne prend la relève de Jean-Yves Evrard et Benoist Eil, en apportant au septet de nouvelles couleurs grâce à cette alternance entre guitare acoustique et électrique.
Quant à l’ “historique” Michel Massot, en plus du trombone et de l’euphonium, il ajoute désormais à la jungle des cuivres, un sousaphone éléphantesque, grand tuba basse enroulé en spirale. Par ailleurs, résolument transgenre et volontiers pluridisciplinaire, Rêve d’Éléphant a toujours eu l’art de jeter des ponts entre différents styles musicaux et différentes expressions artistiques. Pour ce voyage dans le temps d’Odyssée 14, deux invités : Thierry Devillers (chant et récitatif) et David Hernandez (chant et danse en version live). Une manière aussi de jeter des ponts entre différentes époques et formations du Collectif du Lion : Rêve d’Éléphant, Glasnotes et All is pretty.
Le concert de samedi – généreux et passionnant de bout en bout – se déroulait en deux parties : d’abord le nouveau répertoire d'”Odyssée 14″ repris, à une exception près, dans l’ordre de l’album publié par le label brugeois Werf et, en deuxième partie, les grands succès de l’album précédent, “Pourquoi pas un scampi ?”.
La première partie s’est ouverte avec Sur La Route, une composition de Pierre Bernard très représentative des subtiles alliances sonores du septet, sur fond de guitare acoustique et avec un beau solo de flûte. Pour Agitprop, sur fond de percussions foisonnantes (Michel Debrulle, Etienne Plumer, Stephan Pougin) et de sousaphone, Nicolas Dechêne passe à la guitare électrique en parfait accord avec le texte ironique de Thierry Devillers, interprété à deux voix : “If you want to be above the common man, Do an orgy of nothing…” La complémentarité des voix de Thierry Devillers et de David Hernandez est parfaite, comme le solo de trompette bouchée de Jean-Paul Estiévenart. La Folle Impatience, mélodie très sautillante de Michel Massot, allie trompette, flûte euphonium, guitare acoustique et percussions multiples. Lui succède The Man Who Taught His Asshole To Talk, extrait du sulfureux du “Festin nu” de William Burroughs : un récitatif acerbe interprété par David Hernandez sur fond de percussions foisonnantes. Le Sacre de l’Eléphant, composé par Pierre bernard en référence à l’œuvre de Stravinsky, avec intro de flûte et d’euphonium à laquelle succède la jungle des cuivres, guitare électrique et batterie électronique d’Etienne Plumer, Thierry Devillers vient déposer un extrait de Parade d’Arthur Rimbaud : l’occasion pour David Hernandez de se lancer dans une danse frémétique (vidéo).
A ce déchaînement à l’énergie très rock, succède un extrait de la baroque “Folia” de Martin Marais qui a inspiré à Thierry Devillers un nouveau texte à l’humour désenchanté : “Tavern Song”. Retour aux rythmes sautillants avec Le Jas de Bailles de Michel Massot, avec solo de guitare électrique sur fond de sousaphone. Folie, Folie, Folie de Pierre Bernard, ici à la flûte basse, débouche sur un nouveau récitatif de Thierry Devillers, extrait du surréaliste “Désir attrapé par la queue” de Picasso, avec chorégraphie de David Hernandez en pantin désarticulé en symbiose avec la frénésie de la musique. A nouveau inspiré d’une “Folia” de Martin Marais, Dormaalocyon Iatouri devient une nouvelle réflexion surréaliste sur la fugacité des choses. Pour la fin de la première partie, Michel Debrulle a préféré inverser les compositions par rapport à l’album. D’abord, le lyrique L’Eau de La de Michel Massot, maître ès mélodie, allie avec bonheur trombone, bugle, flûte et guitare sur fond de percussions colorées. Vient ensuite la reprise de The Wind And The Rain, chanson du bouffon écrite par Robert Armin pour “La Nuit des Rois” de Shakespeare : une chanson déjà présente sur le premier album de All is pretty. A la première version très dépouillée, chantée par Thierry Devillers sur un simple accompagnement de grosse caisse de Binche, succède un arrangement sophistiqué de Michel Massot : après une surprenante intro de sousaphone avec technique de multi-sons, les voix de Thierry Devillers et David Hernandez se marient en complicité empathique. Et, en seconde partie, le septet a repris les grands titres du troisième album, de “Pourquoi pas un scampi ?” à Idylam’bo, pour terminer par le lancinant Tradewinds de Dave Burrell, avec un beau solo de bugle.
Au total un concert de près de deux heures: un bonheur total et une vraie découverte qui allie musique, littérature et danse !
Prochain rendez-vous, le 19 septembre, dans le cadre du festival Ars Musica, au théâtre Marni Bruxelles).
Claude Loxhay