Comblain Jazz Festival 2015
Enthousiasmante première soirée à Comblain.
Après la pluie vient le beau temps : Comblain Jazz suffoque dans la canicule, mais respire grâce au public nombreux. Entre fraîcheur et pluie, canicule et risque d’orage, quelle météo choisir pour réussir un festival de jazz ? Clairement, ce samedi le public a opté pour le soleil : même si ils étaient peu nombreux à la première heure, les spectateurs ont bel et bien débarqué en nombre sur la prairie du Parc Biron.Il faut dire qu’il n’y avait pas de foot… Il faut dire surtout que l’affiche du jour avait de quoi exciter toutes les curiosités, et ce dans tous les styles. Les amateurs de swing manouche étaient déjà nombreux dès 16 heures pour le concert du « Jazzy Strings » de la famille Cavalière ; avec le guitariste virtuose Angelo Debarre et le violoniste Alexandre Cavalière, on allait assister à un concert chaleureux et énergique, le saxophoniste Lee Konitz, une des vedettes de la soirée, ne ménageant pas ses applaudissements au premier rang.
Invité du trio de Jef Denson, le saxophoniste de 87 balais a toujours cette sonorité caractéristique, un sens aigu de l’improvisation, et une nouvelle corde (vocale) à son arc avec un scat déconcertant qui en a surpris plus d’un, agacé d’autres… Le contrebassiste Jef Denson chante lui aussi, avant de présenter Lee Konitz comme une de ses grandes influences; t-shirt rouge, chemise bariolée rouge et blanche et lunettes solaires, le saxophoniste se présente à Comblain en tenue décontractée, une décontraction qu’on retrouvera pendant tout le concert. Après un « How Deep is the Ocean » conclu en solo absolu par Konitz, vient une séquence tristanienne du meilleur goût avec « 317 East 32d Street », une composition du pianiste inspirée par le standard « Out of Nowhere », puis « 32d Street », une pièce jamais enregistrée depuis la version de Lennie Tristano, selon Konitz. Entre les deux, un « Body and Soul » diversémént apprécié : chanté par le saxophoniste, le thème suivi de l’improvisation n’est pas loin d’évoquer le phrasé du saxophoniste à l’alto : déroutant et touchant à la fois. Il faudra le rappel pour que Konitz nous offre une pièce entière au sax, de quoi nous prouver si nécessaire qu’il est encore bel et bien un grand grand monsieur.
S’appeler les « Cookers » par une pareille canicule et de plus interpréter un hard bop aussi décoiffant, les sept Américains réunis sur scène n’ont pas… froid aux oreilles. Une nouvelle rafale de fans de jazz cinglant et puissant s’était déplacée pour écouter quelques uns des plus grands représentants de la scène américaine : Billy Hart (batterieà, Billy Harper (saxophone), Cecil McBee (contrebasse), George Cables (piano), David Weiss (trompette), Eddie Henderson (trompette), Logan Richardson (saxophone)… rien que des pointures qui ont participé à l’histoire du jazz aux côtés de géants comme Miles Davis, Charles Lloyd, Lee Morgan etc…
Le septet enchaîne des compositions de chacun des protagonistes du groupe, Billy Harper ouvrant le feu avec un thème dans la ligne des « Jazz Messengers », puis « Croquet Ballet », une autre composition de Harper venant de l’album « The Last Session » de Lee Morgan en 1972 (par ailleurs dernier album du trompettiste avant son décès). Hommage à Mulgrew Miller par George Cables, superbe blues de Cecil McBee, mais aussi un thème de Freddie Hubbard – « The Core » – pour conclure un concert puissance 10.
Pour le concert d’Eric Legnini, le chapiteau affichait complet, avec de nombreux festivaliers qui avaient choisi de profiter de la musique depuis la prairie et la fraîcheur de la nuit tombante. Grand fan de la musique noire américaine et de la soul en particulier, le pianiste présentait son nouveau projet « What’d I Say » sur le répertoire de Ray Charles : aux côtés de ses partenaires du projet « The Vox », Eric Legnini a choisi Kelly Lee Evans et Sandra Nkaké pour les parties vocales et le côté show. Stupéfiantes piles dansantes, les deux chanteuses emballent, et même si il a fallu toute la persuasion de la Camérounaise pour faire lever le public, le chapiteau s’est vite enflammé pour un final d’enfer. Le public est conquis et réclame pendant plusieurs minutes un rappel qui viendra enfin : « C’est pour ce genre de moment qu’on organise un festival comme celui-là ! » confie Nicole Widart qui, avec son équipe, peut être fière de cette première journée comblinoise.
Jean-Pierre Goffin
Robert Hansenne (Ipernety photos)