Akku Quintet : Kinema
La Suisse a décidément de belles choses à nous faire découvrir dans le jazz visionnaire, quelque peu immiscé dans des contrées soniques. En voici encore un passionnant exemple avec le cinquième album de ce quintet. Formé par le batteur, compositeur Manuel Pasquinelli, il comprend aussi un pianiste / claviériste, un saxophoniste / effets electro, un guitariste et un bassiste. L’album est composé de trois longues plages dépassant les dix minutes et il se termine par un titre nettement plus court. Le groupe joue un jazz minimaliste, un peu post-jazz (par similitude des constructions de chansons post-rock), répétitif mais sans être bruitiste (les deux sont régulièrement assimilés). Parfois, nous sommes confrontés à des sonorités un peu progressives, notamment via la guitare sur la fin de la plage titulaire, parfois à des répétitions qui évoquent légèrement la trame du « Tubular Bells » de Mike Oldfield (sur « Zephyr » essentiellement via le piano). Pasquinelli déclare célébrer le plaisir de la répétition au travers de ses compositions. C’est chose évidente à l’écoute des rythmiques cycliques qu’il développe, tout en omettant d’y inclure des côtés trop saccadés voir obsédants qui nuiraient à la relative légèreté, limpidité de l’ensemble des titres. Ensemble qui se voit transpercé d’effets électroniques par séquences. La plage titulaire est un magnifique exemple de la démarche du groupe. Elle est de toute beauté et se situe au croisement des styles de King Crimson et de Nils Frahm. En cause, les distorsions de la guitare, les effets spéciaux et un piano minimaliste, répétitif en soutien. J’aimerais aussi évoquer les quatre dernières minutes du long « Ink » (14’) qui développent un côté plus énergique, plus dense et qui nous font ressentir, imaginer, ce que le groupe devrait pouvoir dégager comme explosivité en concert. Un album déconcertant, aventureux donc passionnément « autre ».